Comprendre la plastisphère

 

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Les propriétés en bord de mer deviennent de moins en moins accessibles au fil des ans. Excepté pour certaines bactéries. Un flux régulier de fragments plastique fait son chemin à travers les océans et donne à ces squatteurs un espace de résidence. Chaque morceau apporte une surface solide dans un milieu entouré d’eau. Ces habitats synthétiques et leurs habitants portent un nom: la plastisphère. Qui n’a jamais entendu parler d’un septième continent de plastique situé dans le nord de l’Océan Pacifique? Il fait six fois la taille de la France. Le Pacifique Sud, l’Atlantique Nord et Sud et l’Océan Indien ont aussi leur continent de plastique. Les bactéries colonisatrices de la plastisphère se retrouvent dans les eaux d’Australie jusqu’aux eaux d’Europe. Elles diffèrent selon la localisation géographique, sont aussi variées que les plastiques sur lesquels elles s’installent et peuvent même être un menu de choix pour certaines créatures. Leur impact bon ou mauvais est toujours débattu. Des effets sur le climat ou des déplacements de bactéries dangereuses ne sont pas exclus. Chaque nouvelle étude éveille de nouvelles idées et de nouvelles théories. Cette pollution parfois invisible est devenue une inquiétante réalité depuis quelques années.

Une découverte faite il y a 40 ans déjà avait choqué bon nombre de chercheurs. En 1972 des scientifiques collectant des algues dans la Mer des Sargasses ont observé un nombre important de débris plastique. Des estimations récentes chiffrent à 268000 tonnes la masse totale de plastique dans les océans et jusqu’à 100000 fragments par kilomètre carré dans certaines zones. Les fragments inférieurs à 5 mm proviennent de différentes sources. Fragmentation, fibres synthétique, microbilles, autant de particules qui, lorsqu’elles échappent aux filtrations, finissent leur course dans les mers et les océans. En 2013 des travaux ont révélé deux grandes catégories de plastiques utilisés couramment dans les emballages alimentaires sur lequelles ces hôtes viennent s’installer: le polypropylène et le polyéthylène. D’après les résultats des échantillons prélevés les souches bactériennes se retrouvent de façon bien distinctes selon le genre de plastique, et sont peu communes aux eaux de pleine mer. Ces populations microbiennes varient en fonction de la géographie, de la latitude, mais aussi de la saison. Connaître les facteurs géographiques et environnementaux aiderait à une meilleure compréhension de la plastisphère.

Au milieu de l’océan, les éléments essentiels à de nombreuses bactéries comme azote ou le phosphore font souvent défaut. Tandis que les bactéries se nourrissent des nutriments à leur surface, ces fragments attirent d’autres créatures. L’odeur et le gout sembleraient leur être très appétissant: le plastique fait son chemin dans la chaîne alimentaire. Les observations de résidus plastique dans le zooplancton, les crustacés, les poissons, les oiseaux côtiers ou bien encore les tortues marines sont monnaie courante dans la littérature scientifique. En mars 2012, un cachalot s’est échoué sur une plage andalouse. Dans son estomac, il a été retrouvé 17 kilos de plastique composé de 59 pièces différentes dont: 30 mètres carrés de pellicules plastifiées de l’industrie voisine, des morceaux de tuyaux d’arrosage, des petits pots de fleurs, des sacs plastique, un cintre et des petits morceaux de matelas. Les causes de la mort seraient une perforation de l’estomac et paradoxalement de famine. Les recherches restent insuffisantes pour établir le niveau de dangerosité des microplastiques dans les produits de la mer pour la consommation humaine.

Certaines espèces comme le copépode ingèrent le plastique qui, une fois expulsé, recommence un nouveau cycle dans la plastisphère. Le plastique pourrait même influencer le cycle du carbone d’après certains chercheurs. Une fois introduit dans le système digestif, celui-ci déstabiliserait les déjections fécales qui se désagrègeraient trop rapidement pour tomber au fond des océans. Ce cycle d’ingestion/déjection accélèrerai aussi la fragmentation. Les microparticules absorbent les produits toxiques tels que les phtalates ou les pesticides. Mais pas seulement. Des microbes pathogènes comme la bactérie Vibrio, qui véhicule le choléra, colonisent les fragments de plastique. La longue durée de vie des fragments plastique fait planer le risque de propagation de bactéries dangereuses. En 2011 le corail corne d’élan des Caraïbes fut infecté par une bactérie humaine. C’était le premier cas de transmission d’un germe humain à des invertébrés. En 2012 des bactéries pathogènes pour le corail se sont répandues sur l’une des plus belles îles d’Hawaï de façon mystérieuse.

 

Dans le pire des scénarios, une propagation intercontinentale est possible. La plastisphère engendrée par les activitées humaines est sans doute une grande opportunité pour les bactéries de se reproduire, mais aussi de parcourir le monde. Les scientifiques commencent à peine à prendre conscience de la complexité et des dangers de ces nouveaux écosystèmes. Vu la quantité de paramètres variable, il est difficile de savoir à quoi s’attendre. Reste à savoir quelles seront les mesures prises à l’avenir par les gouvernements afin de limiter les dégâts. En décembre, le président américain Barack Obama a signé une loi interdisant l’usage des microbilles dans les cosmétiques. Une petite mesure qui on l’espère en annonce d’autres à venir.

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