Leurs parades comptent parmi les plus dynamiques, éblouissantes, et invraisemblable de la nature. Certains clignotent, étincellent, d’autres encore se contentent de luire. Mais on commence seulement à découvrir la plupart d’entre eux. Caché dans les recoins les plus profonds, les plus sombres et les plus reculés de notre planète, les créatures lumineuses n’aiment pas être aux devants de la scène. Mais lorsqu’on les étudie de plus près, on s’aperçoit que la lumière qu’ils émettent est omniprésente. Aujourd’hui les scientifiques poussent ces créatures mystérieuses et leurs extraordinaires parades sous les feux des projecteurs. Certains veulent même exploiter leur capacité lumineuse et mettre à profit plusieurs millions d’années d’évolution pour améliorer notre propre espèce. C’est un des ingrédients de base de la vie: la lumière est si précieuse que nous l’avons apprivoisé pour la faire durer toute la nuit. Imaginez un monde sans elle! Mais tandis que nous maudissons l’obscurité, des milliers d’espèces ont développé une réponse plus éclairée, sans brûler une once de combustible fossile: c’est la bioluminescence. Depuis les vers luisant et les lucioles, jusqu’au plancton et aux méduses, elle illumine l’obscurité depuis des centaines de millions d’années. La bioluminescence s’est répandue dans presque tout l’arbre du vivant. Sur la terre ferme, l’obscurité ne règne que la nuit et seules quelques espèces ont développé des organes luminescents. Mais si vous descendez dans les abysses de l’océan, là où réside la majeure partie des animaux de la planète, vous verrez que c’est une tout autre histoire. Dans ces profondeurs, c’est 90% des formes de vie qui scintillent.
C’est pour cette raison que des chercheurs du Museum américain d’histoire naturelle explorent les grands fonds de l’océan Pacifique sud en quête de nouvelles créatures luminescentes. Ils veulent comprendre comment et pourquoi certains animaux ont appris à produire de la lumière et espèrent parvenir à mettre leurs talents à notre service. À une centaine de mètres de profondeur, on entre dans une sorte de semi-pénombre: environ 1% de la lumière pénètre jusque-là. Dès que l’on s’enfonce davantage, on s’aperçoit que tous les poissons ont la capacité de luire et de communiquer en produisant leurs propres lumières. Mais si la bioluminescence est courante dans cet environnement, elle n’en reste pas moins difficile à étudier, même avec un submersible. L’eau est trop sombre, les distances trop grandes, et la lumière qu’ils émettent trop imprévisible. La bioluminescence n’a été filmé que très rarement dans son élément. Nous avons acquis la plupart de nos connaissances en observant les animaux dans des réservoirs éclairés à la surface. Le célèbre poisson pêcheur par exemple, avec son appât lumineux, ou bien le poisson vipère harnaché de lumière, un redoutable prédateur. Ce que veulent savoir les chercheurs, c’est comment les attributs luminescents ont pu se répandre autant dans les abysses et pourquoi dans un monde rempli de prédateurs, les animaux sont prêt à dépenser une telle énergie pour s’illuminer et sortir du lot.
L’océan est le plus vaste habitat de la planète, et de loin. Dans ces profondeurs obscures, la lumière semble jouer un rôle essentiel, et les êtres vivants ont appris à l’utiliser de différentes façons et pour différentes raisons. Il existe par exemple des micro-organismes, les dinoflagellés, qui s’allument à l’unisson à chaque fois que l’eau est perturbée autour d’eux, reproduisant ainsi la forme de ceux qui les traversent. Mais face aux prédateurs tels que les crevettes, c’est aussi un indicateur de mouvement. Il suffit d’un geste pour que la lumière s’allume et trahisse leur emplacement. Quant aux aux prédateurs ils deviennent à leur tour la proie de toutes sortes de créatures, comme la seiche. Certaines crevettes possèdent cependant leurs propres mécanismes de défense lumineuse: en cas d’attaque elles envoient de grands éclairs de lumière pour désorienter l’ennemi. Plutôt que d’aveugler leurs prédateurs, une grande variété d’espèces marines utilise la lumière pour se dissimuler: on appelle cela la contre-illumination. Cela peut paraître illogique, mais c’est une véritable cape d’invisibilité. Les ostracodes, qui sont des crustacés microscopiques, font un usage plus extravagant de la lumière: ils s’en servent pour se distinguer et impressionner le sexe opposé. Ils font environ la taille d’une graine de sésame et produisent une quantité impressionnante de lumière pour un si petit organisme. Mais la lumière ne sert pas qu’à séduire. De nombreux poissons l’utilisent pour se nourrir, ou plutôt chasser. C’est le cas d’une créature particulièrement célèbre: le poisson lanterne.
Malgré les risques, la lumière illustre brillamment la théorie de Darwin sur l’évolution. Des bactéries jusqu’aux méduses et aux poissons, elle favorise la survie des êtres vivants. cependant la question reste entière: comment la première étincelle a-t-elle surgi? Pour le savoir, les scientifiques se sont tournés vers un autre groupe de créatures à la fois plus familier et plus facile à étudier: les animaux terrestres ont développé leurs propres usages de la lumière. Arachnocampa Luminosa par exemple. Comme les poissons pêcheurs des abysses, ces larves de mouche attrapent leurs proies en allumant des milliers d’étoiles au plafond des grottes de Nouvelle-Zélande. Cette voûte étoilé leurre les diptères et les phalènes, attirés par la lumière. Dès qu’ils s’approchent, ils s’engluent dans les fils de capture verticaux imprégné de mucus. D’autres créatures, comme le myriapode de la Sierra Nevada, utilisent la lumière non pour attirer leurs proies, mais plutôt pour signaler un danger et décourager les prédateurs. Il y a aussi une parade qui nous est très familière: les flashs lumineux des lucioles sont une des stratégies de séduction les plus complexe jamais développés, le nec plus ultra de la déclaration d’amour. La famille des lucioles compte plus de 2000 espèces qui font partie des coléoptères, don le code des flashs leur est propre. Pour optimiser ses chances en matière de reproduction, il faut sortir du lot. Et la lumière est un excellent moyen d’aller droit au but. Mais comment les lucioles et les autres animaux terrestres ou marins produisent-ils ces éclairs de lumière?
Les coléoptères luminescents ont été les premiers à nous éclairer sur la question. En 1885, alors qu’il travaille sur un cousin de la luciole appelé pyrophore, le biologiste français Raphaël Dubois parvient à identifier les mécanismes chimiques cette luminosité: c’est le résultat d’une réaction entre deux substances qu’il nomme luciférine et luciférase. Depuis un siècle, ce principe a été retrouvé un peu partout sur terre et mer: c’est celui du combustible et du déclencheur. C’est un phénomène si courant qu’il a évolué indépendamment sur les branches de l’arbre phylogénétique à plus de 40 reprises. Mais il existe plusieurs manières de produire de la lumière d’origine organique. Contrairement aux créatures des abysses, les habitants des eaux peu profondes ne produisent pas la lumière eux-mêmes. Ils emmagasinent la lumière émise par une source externe et la restitue dans une autre couleur: c’est la biofluorescence. Les substances chimiques fluorescentes ont une façon particulière d’absorber la lumière au niveau atomique. C’est grâce aux protéines particulières présente dans la peau ou d’autres tissus. La composition de la lumière impliquée dans ces processus est bien plus complexe qu’à la surface: l’eau agis comme un philtre sur les différentes longueurs d’onde. La lumière bleue est la plus abondante en profondeur, et un déclencheur de la fluorescence qui convertit cette couleur en vert et en rouge selon la composition chimique des protéines de l’espèce.
Ce phénomène est longtemps passé inaperçu. On ignore encore comment les animaux utilisent la fluorescence. Chez les coraux où elle semble omniprésente, elle pourrait agir comme un écran protecteur, défléchissant les rayons nocifs du soleil ou en absorbant les sous-produits dangereux de la photosynthèse. Des études et des observations récentes tendent à prouver que c’est un processus plus répandu qu’on ne le pensait. En 2012 on a découvert la première anguille fluorescente, puis chez bien d’autres espèces comme l’hippocampe ou le requin…un véritable choc pour les biologistes! Ce pourrait être aussi un mode de communication, car on a découvert que les yeux des poissons sont équipés d’un filtre qui bloque le spectre bleu ambiant et fait ressortir les autres couleurs fluorescentes. Dans le futur, les protéines fluorescentes pourraient être utilisées pour cartographier le cerveau humain. Des travaux prometteurs ont déjà commencé sur des cellules et sur des mouches, récompensés par un prix Nobel de chimie: la protéine fluorescente verte (souvent abrégé GFP, de l’anglais « green Fluorescent protein »). Partout dans le monde, des scientifiques se penchent sur différentes applications: des bactéries luminescentes pour mettre en évidence la pollution ou nous éclairer sans électricité, créer des arbres bioluminescents pour éclairer nos villes, une glace a même été crée à 200 euros la boule…Grâce à ces incroyables créatures, notre espèce est peut-être sur la voie d’un meilleur avenir.