Ou se situent les limites? Jusqu’où peut-on aller afin d’exaucer le souhait d’enfanter? Car ses limites n’ont de cesse que d’être repoussées par la technique et l’innovation pour répondre à la demande. Petit à petit des femmes courageuses font sauter des verrous et empruntent de nouveaux chemins, ceux qui paraissaient jusque-là impensables. C’est le même chemin qu’a parcouru une équipe gynécologique allemande de Tübingen, et l’a conduit à rendre public le succès obtenu: la première transplantation d’utérus en Allemagne. Idée folle ou esprit d’innovation? La question ne se poserait pas aux 15000 Allemandes qui pourraient en faire la demande en raison de la perte de cet organe suite à un cancer ou une malformation. Après 10 années de préparation, le don d’utérus d’une mère pour sa fille a été réalisé par transplantation, afin qu’elle puisse mettre au monde ses propres enfants.
Le prélèvement a duré pas moins de 12 h, comparés au 4h qu’a pris l’implantation. Après avoir recousu 2 veines, 2 artères, et les ligaments de l’utérus, les trompes de fallope ne sont pas recousu en raison du risque trop important de grossesse extra-uterine. Ce qui rend impossible la conception naturelle. Avec de la chance, cette patiente pourra mettre au monde deux enfants grâce à la fécondation in vitro et à la césarienne. Puis, le greffon sera retiré pour éviter la prise d’antirejet à vie. Lors d’un communiqué de presse les critiques ont été dures à l’encontre de cette nouvelle technique, mais ont été évoquées aussi les questions de coût qui est estimé entre 50000 et 100000 euros. Pour sa première transplantation l’équipe de Tubigen a dû convaincre, les organismes de contrôle ainsi qu’une commission d’éthique, que son but était l’amélioration des conditions de vie des femmes. Peut d’entre nous ont conscience qu’une femme sur 4500 environ dans le monde naît sans vagin et sans utérus: c’est le syndrome MRKH. Et la raison en est simple, c’est un grand tabou.
Le syndrome de Rokitansky qui est aussi appelé MRKH n’est en général diagnostiqué qu’à l’adolescence. La jeune fille n’a jamais de règles mais elle a quand même une poitrine normalement développée et tous les signes de féminité extérieurs. Après de nombreux examens, les médecins remarquent qu’elle a des ovaires et des trompes mais n’a ni utérus ni vagin développé. Il faudra alors qu’elle choisisse, avec son médecin et suivant la malléabilité de la cupule vaginale, entre une opération chirurgicale pour créer un vagin ou des dilatations qu’elle fera par elle-même et par la suite avec l’aide de son concubin en ayant des rapports sexuels au fur et à mesure du temps, de la patience et de la compassion de son copain. Elle a également la possibilité de ne rien tenter et d’accepter cet état. Elle ne pourra jamais porter d’enfant. La jeune fille vit alors un choc très fort mêlé d’inquiétudes, d’interrogations et de désillusions qui peuvent influencer sa vie sexuelle et sa vie de femme.
Depuis les années 2000, plus de 20 transplantations se sont déroulées à travers le monde et se sont souvent voué à l’échec. Le plus grand taux de succès se trouve en suède dans la clinique de Göteborg: 7 sur 9 ont réussi. L’université médicale suédoise de Göteborg avait été la première au monde en 2013 à effectuer avec succès une telle greffe, qui a permis à la patiente de donner naissance à un enfant en septembre 2014, le premier à être procréée avec un utérus implanté. Aux USA 5 transplantations ont été réalisé grace en partie aux dons d’organes, mais dans 4 cas il a fallu retirer le greffon. Encore inédite en France, la greffe de l’utérus pourrait bien devenir une véritable option thérapeutique dans les années à venir. Un espoir pour un grand nombre de femmes souffrant d’infertilité utérine. Suite à la transplantation, cette patiente allemande devra attendre un an avant de pouvoir se faire implanter un embryon. Pour elle, le jeu en vaut la chandelle.