L’apparition de l’oeil.

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L’une des aptitudes les plus importantes pour notre survie, c’est la vue. Pourtant cette faculté n’a pas toujours existé. Il y a environ 500 millions d’années, les créatures qui peuplaient la planète ne voyaient pas. Puis le nombre d’espèces sur terre à décuplé. Parmi ces créatures, beaucoup d’entre elles avaient des yeux. Mais que s’est-il passé? La clé de cette énigme se trouve à l’intérieur du corps humain. Car nos cellules abritent une molécule héritée de nos ancêtres: l’ADN. Aujourd’hui les scientifiques peuvent décoder le patrimoine génétique des humains et des autres espèces et commencent à percer les mystères de notre passé. En suivant les indices, ils remontent le temps, pour découvrir comment nos ancêtres ont développé la capacité de voir.

 

Les montagnes rocheuses de l’ouest du Canada culminent à plus de 3000 mètres. Cette région sauvage est une mine d’or pour les chasseurs de fossiles. Ce sont les schistes de Burgess, et les chercheurs y font des trouvailles exceptionnelles. En 2012, une équipe de paléontologues qui exploraient le site a découvert une zone mise à nu par un feu de forêt. La roche exposée datait du cambrien, il y a plus de 500 millions d’années. Ils y ont découvert beaucoup de fossiles. Une trentaine d’espèces de cette période avaient des yeux. C’est au cours du cambrien que les premiers yeux sont apparus. Et c’est à la même période qu’eut lieu ce que l’on nomme l’explosion cambrienne. L’Anomalocaris par exemple, possédait des yeux composés de milliers de petites facettes. C’était le plus gros animal connu et pouvait mesurer jusqu’à 50 centimètres. Grâce à ses grands yeux, il pouvait repérer facilement ses proies. Il était sans doute au sommet de la chaine alimentaire et a surement joué un rôle dans la diversité de la faune du cambrien.

 

À quoi ressemblait le monde il y a 500 millions d’années? Les eaux grouillaient de vie, avec des animaux à l’allure étonnante. L’Hallucigenia était couvert d’épines. C’était un ver avec des pattes. Il y avait aussi le Wiwaxia. L’anomalocaris régnait en maitre avec une vision à 360° pour localiser les proies. L’Alalcomenaus ne mesurait que trois centimètres. Ses yeux lui permettaient de voir en haut et en bas en même temps, mais pas derrière. L’Opabinia avait cinq yeux et une trompe, il voyait dans toutes les directions. Mais quand il baissait sa garde, il devenait une proie à son tour. L’Hurdia avait des yeux encore plus gros. Comme l’Anomalocaris c’était un grand carnivore. L’oeil était devenu un organe indispensable pour survivre, c’est pour cela qu’il prit différentes formes. Les scientifiques ont étudié différentes espèces, et observé le développement des différents types d’yeux. Mais cela ne répondait pas à la question centrale: quel était la raison de ce bond évolutif? Les fossiles ne fournissaient pas la réponse. Mais ce n’était pas les seuls indices. Partout dans le monde, des scientifiques ont tenté d’aborder la question sous un autre angle.

 

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Une séquence d’ADN humain est une composition chimique représentée par les lettres ATGC. L’ADN humain est composé d’environ 3 milliards de combinaisons de ces lettres. Certains contrôles la formation des yeux. Lors d’une expérience, des gènes de souris ont été introduit dans l’embryon d’une mouche. Le résultat fut stupéfiant: le gène d’un mammifère a produit des yeux chez un insecte. Si une telle chose est possible, c’est parce que l’oeil est sans aucun doute l’héritage d’un ancêtre commun. Cette découverte était révolutionnaire. Cet ancêtre commun, c’est la méduse, qui devait donc être doté d’une forme d’yeux. Sur le bord de l’ombrelle d’une méduse on peut observer des taches blanches, ce sont ces yeux. À l’intérieur se trouve une masse sombre en forme de croissant. C’est elle qui perçoit l’ombre et l’obscurité. Un chercheur japonais a étudié une espèce dont les yeux ressemblent étrangement à ceux de la méduse: le dinoflagellé. C’est une espèce aquatique unicellulaire. Si l’on regarde bien au microscope, on peut voir des points jaunâtres, ce sont les chloroplastes. Ils sont utilisés par les plantes pour effectuer la photosynthèse. En effet les dinoflagellés sont apparentés aux plantes. Le croissant noir leur permet de percevoir la lumière et d’améliorer la photosynthèse. Mais comment deux organismes si différents peuvent posséder le même appendice? Il est très rare que des animaux et des végétaux possèdent un même organe.

 

Les chercheurs ont donc mené des expériences pour savoir si la ressemblance n’était que superficielle, grâce à l’ADN. Ils ont identifié un gène qui code une protéine à la forme complexe appelée rhodopsine. Si on la compare à la protéine présente dans l’oeil humain, on constate qu’elles sont presque identiques. Elles contiennent tous les deux faisceaux de sept hélices. Cette protéine remplit une fonction essentielle à notre vue et est présente au fond de l’oeil, sur la rétine. Quand la lumière touche son centre, la protéine s’ouvre comme une fleur. Cette réaction permet de voir. L’idée de gènes passants des végétaux aux animaux allait à l’encontre des certitudes scientifiques. Une découverte faite en 2014 a enfoncé le clou. À Boston, dans des cours d’eau peu profond, une espèce enfreint toutes les règles. La limace de mer Elysie émeraude peut survivre sans nourriture, grâce à la lumière du soleil. C’est la preuve qu’un transfert génétique est possible entre une plante et un animal. Elle est verte parce qu’elle consomme les algues qui se trouvent dans son milieu marin. Ces limaces ont la capacité d’intégrer les chloroplastes de ces algues, ce qui leur permet d’effectuer la photosynthèse. L’analyse de son ADN a révélé la présence d’un gène végétal. Des recherches menées sur Mastigias Papua ont montré un détail intéressant. Des points sombrent dans ses tissus étaient des dinoflagellés qui vivent en symbiose avec elle. Cela conforte l’idée d’un transfert de gènes par le passé.

 

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Retournons à l’époque du précambrien. Des créatures semblables aux méduses peuplaient les océans. Elles n’avaient pas encore d’yeux. Autour d’elles se trouvait du plancton, doté du gène de la rhodopsine. Pour une raison inconnue, un transfert de gène a eu lieu, dotant nos ancêtres d’un atout jusque-là réservé au végétal: la capacité de perception de la lumière. Les plus anciens ancêtres des vertébrés sont apparus au cambrien. Le plus primitif s’appelle Pikaia. Ses yeux ressemblaient à ceux des méduses. 150 millions d’années plus tard, l’anatomie des vertébrés a radicalement changé. Au cambrien nos ancêtres ne mesuraient que quelques centimètres, puis ils sont devenus de taille impressionnante. Le Dunkleosteus était un prédateur marin redoutable qui pouvait mesurer prés de 10 mètres. Ses yeux étaient entourés d’une structure osseuse circulaire. Elle protégeait des globes oculaires de 10 centimètres de diamètre. Les arthropodes quant à eux, ont suivi leur propre chemin évolutif. Le scorpion de mer Euryptéridé pouvait mesurer 2 mètres et possédait des grandes pinces. Ses yeux à facettes étaient volumineux, mais d’une précision moindre. Les yeux de nos ancêtres sont devenus très sophistiqués. Ceux du Dunkleosteus ressemblaient à ceux des humains: les yeux camérulaires, ou oeil simple. Les arthropodes en revanche, avaient des yeux composés, avec une vision panoramique, mais floue. Les yeux du Pikaia l’ancêtre du Dunkleosteus, étaient primitifs, et ne distinguaient que les variations de luminosité. Quelque chose s’est produit.

 

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Au large de la Floride vivent des créatures qui ont un lien avec Pikaia: les amphioxus. Au contact de la lumière, ils réagissent. Sur leur tête se trouvent des points noirs, ce sont leurs yeux. Le génome de l’amphioxus a été décodé en 2008 et comparé à celui de l’homme. Les questions se sont avéré plus nombreuses que les réponses. On a constaté la présence de gènes quadruplés. 500 millions d’années se sont écoulé pour en arriver là, mais pourquoi? Dans les ruisseaux de l’ile d’Okaido, une autre espèce pourrait donner la clé de l’énigme. À première vue on dirait une anguille. Mais elle possède deux caractéristiques: sa bouche ventouse et l’absence de mâchoire. La lamproie serait apparue avant le Dunkleosteus. Ce serait l’une des plus primitives espèces à posséder des gènes quadruples et des yeux camérulaires. Une autre équipe de chercheurs à découvert que les gènes quadruplés se situent sur la rétine et tentent de l’expliquer. Ce serait une anomalie génétique qui nous aurait permis d’hériter de cette innovation anatomique. De nombreuses zones d’ombre restent toutefois à éclaircir…

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