Les centrales nucléaires seront-elles un jour un lointain passé? Ce n’est pas pour demain. Les premiers réacteurs à fusion nucléaire se réchauffent peu à peu. Le réacteur allemand Wendelstein 7-X qui se trouve dans le land de Mecklenburg-Vorpommern est en phase de test depuis un an. Les scientifiques de l’institut Max Planck ont annoncé récemment que l’installation avait atteint un faible pourcentage d’erreurs. Les enjeux sont élevés: il s’agit là d’un niveau de chaleur équivalente à celle de notre étoile le soleil. C’est que l’on appelle la fusion atomique. Et cela n’a rien à voir avec la légendaire fusion froide qui peut être produite en éprouvette. Le Wendelstein 7-X est le plus grand réacteur à fusion basée sur le principe du stellarator, invention du physicien Lyman Spitzer. Il est prévu pour marcher jusqu’à 30 minutes avec une décharge continue de plasma, démontrant la caractéristique principale d’un tel réacteur : le fonctionnement continu. Le nom du projet, qui vient du sommet bavarois du même nom, a été choisi à la fin des années 1950 et fait référence à un précédent projet qui portait aussi un nom de sommet alpin : le projet Matterhorn (aujourd’hui renommé Princeton Plasma Physics Laboratory).
L’expression médiatique fusion froide désigne des réactions supposées « nucléaires à température et pression ambiante ». La plus connue est celle qui semble être une fusion nucléaire réalisée selon des techniques dérivées d’une expérience réalisée par Martin Fleischmann et Stanley Pons en mars 1989. Cette expérience se caractérisait par un dégagement de chaleur non explicable par la quantité d’énergie électrique reçue. Le terme de « fusion froide » apparaît en 1956 dans un article du New York Times décrivant le travail de Luis W. Alvarez sur la catalyse par muon. E. Paul Palmer de l’université Brigham Young a aussi utilisé le terme « fusion froide » en 1986 dans son investigation sur la « géo-fusion » : la possible existence de la fusion dans le cœur des planètes. Les phénomènes de ce domaine de recherche sont aussi appelés LENR (low-energy nuclear reactions pour « réactions nucléaires à basse énergie »), CANR, LANR, CMNS, BL, Sonofusion, Bubble fusion, CNT ou « transmutations biologiques ». L’expression fusion froide n’est pas admise par la majorité de la communauté scientifique, parce que l’expérience de Pons et Fleischman est difficilement reproductible et a déclenché une polémique mondiale sur la vérification effectuée par les comités de lecture. Le principe même de la fusion froide reste controversé, certains n’hésitant pas à assimiler ces expériences à celles de l’alchimie et des tentatives de transmutation du plomb en or ; les processus physiques reconnus permettant d’aboutir de façon avérée à des réactions de fusion nucléaire, utilisables pour la production d’énergie, nécessitent en effet des pressions et des températures extrêmement élevées.
La fusion nucléaire, dite parfois fusion thermonucléaire, est un processus où deux noyaux atomiques légers s’assemblent pour former un noyau plus lourd. Cette réaction est à l’œuvre de manière naturelle dans le Soleil et la plupart des étoiles de l’Univers. La fusion de noyaux légers dégage d’énormes quantités d’énergie provenant de l’attraction entre les nucléons due à l’interaction forte. Elle est avec la fission nucléaire l’un des deux principaux types de réactions nucléaires appliquées. La masse du nouvel atome obtenu par la fusion est inférieure à la somme des masses des deux atomes légers. Dans le processus de fusion, une partie de la masse est transformée en énergie sous sa forme la plus simple : la chaleur. Cette perte s’explique par la formule d’Einstein E=mc2. Un de ses intérêts est de pouvoir obtenir théoriquement beaucoup plus d’énergie : d’abord à masse de « combustible » égale, la fusion libère trois à quatre fois plus d’énergie que la fission. Ensuite, le stock de « combustible » est beaucoup plus large : les océans contiennent naturellement une telle masse de deutérium qu’ils pourraient théoriquement satisfaire la consommation d’énergie actuelle de l’espèce humaine pendant cent millions d’années (1 m3 d’eau peut potentiellement fournir autant d’énergie que la combustion de 700 t de pétrole). En dépit de travaux de recherche réalisés dans le monde entier depuis les années 1950, aucune application industrielle de la fusion à la production d’énergie n’a encore abouti, en dehors des armes nucléaires avec la bombe H, étant donné que cette application ne vise aucunement à contenir et maîtriser la réaction produite. Il existe cependant quelques autres usages moins médiatisés, comme les générateurs de neutrons. Actuellement, le Centre d’études scientifiques et techniques d’Aquitaine utilise le principe de fusion au sein du Laser Mégajoule, destiné à assurer la pérennité de la dissuasion nucléaire de la France. Contrairement à la fission nucléaire, les produits de la fusion eux-mêmes (principalement de l’hélium 4) ne sont pas radioactifs, mais lorsque la réaction utilisée émet des neutrons rapides, ces derniers peuvent transformer les noyaux qui les capturent en isotopes pouvant l’être. Il ne faut pas confondre la fusion nucléaire avec la fusion du cœur d’un réacteur nucléaire, qui est un accident nucléaire particulièrement redoutable.
Le premier novembre 1952, l’homme a réussi la première fusion artificielle, lorsqu’une bombe à hydrogène Ivy Mike fut déclenchée sur un atoll du Pacifique. Le problème principal de l’utilisation civile? Le plasma brulant doit être confiné grâce à un système complexe de champs magnétiques. D’après la revue spécialisée Nature communication, la précision de cette nouvelle technique n’aurait atteint un niveau jamais égalé. D’ici quelques années, on espère être en mesure de maitriser la fusion atomique. C’est un grand pas dans l’histoire du progrès scientifique. Le fantasme dans cette technique, réside dans l’idée d’avoir un jour peut-être de l’énergie en quantité illimité, et propre en plus de cela. Aujourd’hui les obstacles restent nombreux. Avec un cout de 400 millions, le réacteur n’en est pas vraiment un. C’est plutôt une gigantesque installation expérimentale. S’il fonctionne, ce sera la preuve que les bases du concept sont bonnes. Et surement le coup d’envoi pour la construction de véritables centrales. Le Wendelstein 7-X ne produira jamais d’électricité. Jusqu’à présent, le plasma n’a été maintenue brulant que grâce à des micro-ondes. Il consommera toujours plus d’énergie qu’il ne pourra en rendre en retour. La recherche dans ce domaine est internationale. Il y a un an environ, la Chine annonçait une percée, le contrôle du plasma durant plus de 100 secondes. Un record. Un scientifique aurait déclaré: c’est comme une chevauchée sur un cheval sauvage!
ITER (en latin le « chemin ») est l’un des projets les plus ambitieux au monde dans le domaine de l’énergie. En France, dans le département des Bouches-du-Rhône, 35 pays sont engagés dans la construction du plus grand tokamak jamais conçu, une machine qui doit démontrer que la fusion peut être utilisée comme source d’énergie à grande échelle, non émettrice de CO2, pour produire de l’électricité. Les résultats du programme scientifique d’ITER seront décisifs pour ouvrir la voie aux centrales de fusion électrogènes de demain. ITER sera la première installation de fusion capable de produire une quantité d’énergie nette. La machine réalisera des décharges de plasma de longue durée et testera également, pour la première fois, les technologies, les matériaux, ainsi que les régimes de plasma requis pour produire de l’électricité dans une perspective commerciale. Des milliers d’ingénieurs et de scientifiques ont contribué à la conception d’ITER depuis que l’idée d’une collaboration internationale sur l’énergie de fusion a été lancée en 1985. Les Membres d’ITER (la Chine, l’Union européenne, l’Inde, le Japon, la Corée, la Russie et les États-Unis) se sont engagés dans une collaboration de trente-cinq ans pour construire et exploiter l’installation expérimentale ITER. Un réacteur de démonstration pourra être conçu sur la base de ce retour d’expérience.
La quantité d’énergie de fusion qu’un tokamak peut produire dépend du nombre de réactions de fusion qui se produisent en son cœur. Plus l’enceinte est grande (et donc également le volume de plasma) plus grand sera le potentiel de production d’énergie de fusion. Avec un volume de plasma dix fois supérieur à celui de la plus grande machine de fusion opérationnelle aujourd’hui, le tokamak ITER sera un outil expérimental unique, capable de générer des plasmas de longue durée.
Le record de puissance de fusion produite est détenu par le tokamak européen JET. En 1997, ce tokamak a généré 16 MW de puissance de fusion pour une puissance de chauffage totale de 24 MW. Ce ratio (ou « Q ») de 0,67 devrait être porté à 10 par ITER — 500 MW de puissance de fusion pour une puissance en entrée de 50 MW. ITER étant une machine expérimentale qui ne fonctionnera pas de manière continue, l’énergie produite ne sera pas convertie en électricité. Cette étape sera réalisée par la machine qui lui succédera. ITER marque la transition entre les dispositifs de fusion expérimentaux actuels et les démonstrateurs industriels du futur. Avec cette machine de très grande taille, les scientifiques pourront étudier les plasmas dans les conditions qui seront celles d’une centrale de fusion électrogène et tester des technologies telles que le chauffage, le contrôle, le diagnostic, la cryogénie et la télémaintenance.
La recherche sur la fusion se trouve aujourd’hui au seuil de l’exploration du « plasma en combustion » — un plasma au sein duquel la chaleur de la réaction de fusion demeure confinée de manière suffisamment efficace pour entretenir une réaction de longue durée. Les plasmas d’ITER, plus volumineux, produiront beaucoup plus de puissance de fusion et demeureront stables pendant des durées plus longues.
Dans une phase d’exploitation ultérieure, l’une des missions d’ITER consistera à démontrer la faisabilité de la production de tritium au sein même de l’enceinte à vide. L’inventaire mondial de tritium (utilisé avec le deutérium pour alimenter la réaction de fusion) n’est en aucun cas suffisant pour couvrir les besoins des futures centrales de fusion électrogènes. ITER offrira l’opportunité unique de tester des maquettes de couvertures « tritigènes » dans l’environnement d’un réacteur de fusion. De toutes les réactions de fusion possibles, c’est la réaction entre le deutérium et le tritium (deux isotopes de l’hydrogène) qui se révèle la plus accessible en l’état actuel de notre technologie. Dans un tokamak, trois conditions doivent être remplies pour obtenir des réactions de fusion : une température très élevée (de l’ordre de 150 millions de degrés Celsius), une densité de particules suffisante pour produire le plus grand nombre de collisions possibles, et un temps de confinement de l’énergie suffisamment long pour que les collisions se produisent avec la plus grande vitesse possible. Lorsqu’un gaz est porté à très haute température, les atomes se dissocient : les électrons et les noyaux sont séparés les uns des autres et le gaz se transforme en plasma (quatrième état de la matière). C’est dans ce milieu que les noyaux légers peuvent fusionner et générer de l’énergie.
Le tokamak est une machine expérimentale conçue pour exploiter l’énergie de la fusion. Dans l’enceinte d’un tokamak, l’énergie générée par la fusion des noyaux atomiques est absorbée sous forme de chaleur par les parois de la chambre à vide. Tout comme les centrales électrogènes classiques, une centrale de fusion utilise cette chaleur pour produire de la vapeur, puis, grâce à des turbines et à des alternateurs, de l’électricité. Le cœur du tokamak est constitué d’une chambre à vide en forme d’anneau. À l’intérieur, sous l’influence d’une température et d’une pression extrêmes, le gaz d’hydrogène se mue en plasma — le milieu dans lequel les atomes d’hydrogène peuvent fusionner et générer de l’énergie. (Pour en savoir plus sur cet état particulier de la matière, cliquez ici.) Les particules qui composent le plasma, électriquement chargées, peuvent être confinées et contrôlées par les imposantes bobines magnétiques placées autour de l’enceinte. On tire parti de cette propriété pour maintenir le plasma chaud à l’écart des parois de l’enceinte. Le mot « tokamak » est un acronyme russe qui signifie : « chambre toroïdale avec bobines magnétiques ». La configuration tokamak, conçue par les chercheurs soviétique au début des années 1950, a été adoptée dans le monde entier comme la plus prometteuse. Avec un volume de plasma dix fois plus important que celui du plus grand tokamak en activité ITER sera, de loin, la plus grande machine de fusion du monde. L’Accord ITER, conclu par les signataires en 2006, stipule que les sept Membres partagent le coût de la construction, de l’exploitation et du démantèlement de l’installation. Ils partageront également les résultats expérimentaux ainsi que toute propriété intellectuelle générée par la phase d’exploitation, prévue de 2022 à 2042. L’Europe assume la plus grande partie du coût de construction (45,6 %) de l’installation; la part restante est assumée de manière égale par la Chine, l’Inde, le Japon, la Corée, la Russie et les États-Unis (9,1 % chacun). La contribution des Membres se fait essentiellement « en nature », sous forme de fourniture de bâtiments, pièces et systèmes à ITER Organization. Les Membres d’ITER représentent trois continents, plus de 40 langues, la moitié de la population de la planète et 85 % de la production de richesse mondiale. Dans les bureaux d’ITER Organization à Saint-Paul-lez-Durance (13) ; dans les agences domestiques créées par les Membres d’ITER ; dans des laboratoires et dans l’industrie des milliers de personnes l’Organization ITER sont engagées dans le programme ITER.
Le chantier s’est ouvert au cours de l’été 2010 sur une plateforme de 42 hectares préalablement défrichée et nivelée. Les fondations parasismiques ainsi que le radier sur lequel reposera le cœur de l’installation sont désormais en place et la construction du Complexe tokamak a commencé. C’est dans cet édifice, constitué de trois bâtiments, que se dérouleront les expériences de fusion. Des bâtiments auxiliaires (usine cryogénique, bâtiment de contrôle, installations pour l’eau de refroidissement, alimentation et transformation électrique, etc.) sont également en cours de construction. De manière progressive, à partir de 2018, scientifiques et ingénieurs procéderont à l’intégration et à l’assemblage des différents éléments de l’installation ITER. Une phase d’essais, destinée à vérifier que l’ensemble des systèmes fonctionne de manière satisfaisante, préparera la machine en vue de son exploitation. La réussite de l’intégration et de l’assemblage de plus d’un million de composants (dix millions de pièces) fabriqués dans les usines des Membres d’ITER dans le monde entier et acheminés vers le site d’ITER représente un défi logistique et d’ingénierie extraordinaire. La main d’œuvre chargée de l’assemblage, à la fois sur le site d’ITER et au sein des agences domestiques, atteindra 2 000 personnes lors des pics d’activité. La séquence précise des opérations d’assemblage a été définie et coordonnée avec soin dans les différents bureaux d’ITER à travers le monde. Celle-ci a débuté par l’arrivée des premiers composants de grande taille sur le site d’ITER en 2015.