Nous accumulons des milliards de souvenirs tout au long de notre vie. Certains resteront encrés à jamais, d’autres s’évanouiront avec le temps. Alors comment fonctionne notre mémoire? Les chercheurs longtemps plongés dans l’inconnue commencent aujourd’hui à en percer les mystères. On sait maintenant que nous n’avons pas une mémoire, mais des mémoires. Certaines gèrent le quotidien, d’autres s’occupent d’inscrire notre propre histoire dans notre esprit. La mémoire est un outil formidable de notre développement. Mais comment évolue-t-elle avec l’âge? Existe-t-il des moyens de l’optimiser? Les actions anodines qui rythment nos journées ne sont possibles que grâce à la mémoire à court terme. Nous sommes inondés de milliers d’informations chaque jour. La plupart est utilisée de manière éphémère. Pour ne pas être submergés, notre cerveau les mémorise de façon très précise puis les évacue rapidement. Car garder en mémoire un souvenir très détaillé demande de gros efforts. D’ordinaire il nous est impossible de retenir plus de 9 éléments à la fois, sinon c’est la surchauffe. La mémoire à court terme n’est pas suffisante dans notre quotidien. Une autre, la mémoire de travail, nous permet de manier plusieurs informations en même temps. Si l’on prend l’exemple des mathématiques, faire un calcul nécessite de se souvenir de chaque nombre, de la règle mathématique et du résultat à obtenir. Cela nous oblige à jongler entre différents types de mémoires.
Comment notre cerveau fait-il pour éviter l’épuisement? Grâce à l’automatisation des souvenirs, un mécanisme qui implique la mémoire à long terme. Prenons l’exemple du pilotage, du ski, du vélo: il s’agit d’acquérir des automatismes. C’est la mémoire procédurale. Lors de cet apprentissage des règles sont découvertes de façon inconsciente, mais aussi grâce au raisonnement. L’acquisition se fait en 3 étapes: la première phase est une découverte, la deuxième phase est associative, la troisième phase les gestes deviennent automatiques. La mémoire procédurale est essentielle pour pouvoir se concentrer sur d’autres choses comme des événements de la vie. La mémoire épisodique nous permet de reconstruire un événement sous la forme d’un flash: le lieu, la date, avec qui… Le savoir lui repose sur une autre mémoire: la mémoire sémantique. Le vocabulaire, le lexique langagier, les concepts. Le cerveau crée des passerelles entre les différentes mémoires pour pouvoir acquérir des connaissances plus facilement. La mémoire à long terme comprend la mémoire procédurale, la mémoire sémantique, et la mémoire épisodique. La mémorisation s’effectue en 3 phases: l’encodage, le stockage, et la récupération. Lors de l’encodage, les informations envoyées par les sens sont d’abord analysées par l’hippocampe. Puis lors du stockage les informations sont transmises à différentes régions du néocortex, l’enveloppe externe du cerveau où elles seront stockées grâce aux neurones. Les neurones sont reliés entre eux par les synapses. Un souvenir est un nouveau circuit neuronal que l’on nomme trace mnésique. La mémoire perceptive est un mécanisme automatique. Je parle de la mémoire perceptive, mais je devrais plutôt dire : les mémoires perceptives. Un humain normalement constitué possède une mémoire pour chacun des cinq sens : vision, audition, etc. Chacune de ces mémoires perceptives possède ses propres aires cérébrales, souvent disposées dans le cortex cérébral.
Mais dans quel ordre s’organisent les mémoires? Les bébés ont une très bonne mémoire auditive dès la naissance. Dans le développement de l’enfant, la mémoire à long terme qui apparaît en premier est la mémoire procédurale, c’est la plus simple et la plus primitive. Puis d’autres formes plus complexes apparaissent comme la mémoire sémantique. La mémoire épisodique viendra plus tardivement, car elle nécessite une maturation du cerveau. Notamment le lobe préfrontal et l’hippocampe, mais aussi des notions d’identité et de conscience de soi. Pourquoi la mémoire décline-t-elle avec l’âge? Cela est dû à la perte de neurones. Dans de nombreuses pathologies qui apparaissent avec l’âge, comme la maladie d’Alzheimer, on retrouve une altération des fonctions cognitives et, notamment, celles supposées être contrôlées par l’hippocampe (mémoires, navigation spatiale, etc.). Mais le vieillissement normal, lui-même, a un effet délétère progressif sur certains types de mémoires, incluant la mémoire épisodique et la mémoire de travail. Cette diminution des capacités mnésiques avec l’âge serait la conséquence d’une détérioration progressive et non pathologique de l’hippocampe. Les émotions sont capables de renforcer la mémorisation grâce à l’amygdale qui se trouve à l’extrémité de l’hippocampe. Dans certains cas l’effet peut être inverse. Plusieurs études montrent que les personnes qui ont subi de longues quantités de stress traumatiques présentent une atrophie renforcée de l’hippocampe par rapport à d’autres structures cérébrales. On retrouve également cet effet après un stress posttraumatique et dans certaines pathologies inductrices de stress, comme la schizophrénie et les dépressions sévères. Une étude récente a montré que la dépression entraine une atrophie qui peut être stoppée par la prise d’antidépresseurs, même si ceux-ci n’ont pas d’effets sur les autres symptômes. Une atrophie de l’hippocampe est également souvent associée au syndrome de Cushing, une maladie qui provoque de forts taux de cortisol dans le sang. Les effets du stress semblent au moins réversibles si celui-ci est discontinu. À l’inverse, des études menées chez le rat ont montré qu’un stress postnatal pouvait affecter le fonctionnement de l’hippocampe de manière irréversible chez l’adulte. Il y a aussi des défaillances, comme les faux souvenirs.
Heureusement il existe des exercices et des techniques pour entrainer notre mémoire. Un exemple: la classification permet de multiplier les indices de récupération des souvenirs. Le respect de nos cycles physiologiques joue aussi un rôle important, comme le sommeil. Les psychologues et les neuroscientifiques sont généralement d’accord sur le rôle important de l’hippocampe dans la formation des nouveaux souvenirs des événements vécus (mémoire épisodique ou autobiographique). Il serait notamment responsable de la détection de la nouveauté d’un événement, d’un lieu, ou d’un stimulus. Certains chercheurs comprennent l’hippocampe comme un élément d’un système de mémoire plus large, établi dans le lobe temporal médian, qui serait responsable de la mémoire déclarative (la mémoire qui peut être verbalisée, par opposition à la mémoire des mouvements (ex: faire du vélo), et qui comprend la mémoire des faits (ex : « Napoléon est mort en 1821 ») en plus de la mémoire épisodique (ex : « je me suis cassé une dent en faisant du vélo à 4 ans »)). En raison de la présence d’un hippocampe dans chacun des deux hémisphères cérébraux, un dommage unilatéral sur un seul des hippocampes n’entraine pas de problème important de mémoire. À l’inverse, de sérieux dommages aux deux hippocampes entrainent de profondes difficultés à former de nouveaux souvenirs (amnésie antérograde) et détériorent également une partie des souvenirs déjà présents avant la lésion (amnésie rétrograde). Bien que cette amnésie rétrograde couvre souvent plusieurs années avant le traumatisme, les souvenirs très anciens restent présents. Cette observation a conduit à l’hypothèse que, lors de la consolidation des souvenirs, ceux-ci sont peu à peu transférés vers une autre partie du cerveau. Les lésions de l’hippocampe n’affectent pas tous les types de mémoire. Par exemple la capacité d’apprendre des mouvements complexes (comme faire du vélo) et celles des capacités cognitives (jouer d’un instrument, résoudre certains types de puzzle, etc.) restent le plus souvent intactes. Cette conservation de ces capacités suggère que celles-ci reposent sur un autre type de mémoire (la mémoire procédurale) dépendant d’une autre région cérébrale. De plus, certains patients amnésiques montrent des formes de mémorisation implicite, non consciente. Par exemple, pouvoir reconnaitre une certaine personne, qu’ils ont croisée récemment, comme familière et pourtant jurer qu’ils ne se souviennent pas l’avoir rencontrée. Certains chercheurs séparent donc le « rappel conscient », qui dépendrait de l’hippocampe, du sentiment de « familiarité », qui dépendrait d’une partie du cortex temporal médian.