Nous savons aujourd’hui que le cerveau ne cesse de se modifier, qu’il change au gré de ce que nous pensons et expérimentons. C’est ce que l’on appelle la neuroplasticité. Nous possédons des sens dont nous n’avons même pas conscience jusqu’à ce qu’on les perde comme l’équilibre. Si vous avez un système nerveux normal, vous avez en quelque sorte des autoroutes qui sillonnent votre cerveau et qui gèrent une énorme quantité d’informations de manière très efficace. Mais si un accident survient, soit vous restez bloqué, soit vous empruntez une route secondaire. Avec le temps, le cerveau transforme ces routes secondaires en autoroutes et redirige donc l’information en cas de besoin.
Paul Bach-y-rita fut un visionnaire, le premier de sa génération à vraiment comprendre le potentiel de la plasticité. Mais aussi à l’appliquer à la réhabilitation et à la guérison de personnes handicapées. Il a démontré que le cerveau est capable d’évoluer dans un monde en mutation et de se changer lui-même. À l’aide de stimulations et d’exercices bien spécifiques, on peut changer le cerveau sur le plan physiologique. À l’inverse, la prise de médicaments, les chimiothérapies, les AVC ou le vieillissement peuvent altérer les mécanismes cognitifs. Aux USA, le programme Scientific Learning ressemble à un jeu mais compte parmi les meilleurs outils de travail cérébral. Une thérapie efficace dans les cas de paralysie, c’est la contrainte volontaire. Découverte par Ted Taub la contrainte volontaire, ou désafférentation, consiste à priver le patient de l’usage du membre valide. Cela l’oblige à utiliser le membre handicapé. C’est sur la base des expériences menées sur des singes que cette technique a été élaborée. Les nerfs afférents sont les nerfs sensitifs qui transmettent l’information depuis les membres jusqu’à la colonne vertébrale.
L’une des grandes leçons de toutes ces découvertes, c’est le paradoxe de la plasticité. Celle qui nous permet de développer des comportements plus flexibles, est aussi la source de nos comportements les plus rigides. Tout le monde naît avec un potentiel de plasticité. Tout ce qui est répétitif ( professions, activités, automatismes ainsi que la névrose) peut engendrer la rigidité. Une autre méthode intéressante est la stimulation magnétique transcrânienne. D’abord utilisée en neurologie dans le traitement des mouvements anormaux, de la douleur et des acouphènes, la SMT est exploitée depuis une quinzaine d’années dans un nombre croissant d’hôpitaux de France pour traiter les dépressions modérées à sévères. L’imagerie médicale a permis de montrer que la stimulation magnétique du cortex préfrontal dorsolatéral rétablit, comme pourrait le faire un médicament antidépresseur, des anomalies de fonctionnement du cerveau: baisse du débit sanguin cérébral, de la consommation d’oxygène et de glucose dans les régions préfrontales gauches, hypermétabolisme dans le cortex préfrontal droit. Alvaro Pascual Leone est un pionnier de cette technique. Il est à l’origine de recherches sur l’autisme ou le syndrome d’Asperger. D’après lui, ces syndromes seraient dus à un excès de plasticité du cerveau. Ses expériences remarquables ont montré que nous pouvons changer et restructurer l’anatomie de notre cerveau en utilisant simplement notre imagination.
La conclusion? Une personne doit faire attention à ce qu’elle pense. Une idée qui conforte les résultats de la psychothérapie et de la psychanalyse. Le cerveau change sans arrêt en fonction de ce que nous pensons et expérimentons. Lorsque l’on souhaite perfectionner ses sens, la neuroplasticité est une bénédiction. Mais lorsqu’elle se met au service de la douleur, elle devient une malédiction. C’est le cas des douleurs fantômes. Le neuroscientifique Vilayanur Ramachandran utilise la délusion ( ou erreur de perception) pour combattre les illusions et se sert de l’imagination pour changer le cerveau et ses contenus. Après l’amputation d’un bras, il se produit une perte sensorielle dans la zone du cerveau correspondante. Le territoire déserté est alors envahi par d’autres informations provenant d’autres parties du corps. Ce qui provoque chez certains amputés les sensations d’un membre qui n’est plus là.
Un cas incroyable aussi est celui de Michelle Mack, qui a contredit les diagnostics des médecins de l’époque. C’est une femme qui est née avec une seule moitié de cerveau. Les médecins pensaient que son cerveau ne progresserait que jusqu’à l’âge de 11 ans, puis s’arrêterait. Son cerveau fonctionne pourtant à peu près bien. Son hémisphère droit a dû prendre en charge les fonctions ordinairement assumées par l’hémisphère gauche. De plus elle possède une mémoire hors du commun. C’est un très bon exemple de plasticité, un véritable cadeau de la nature qui donne un espoir à tous ceux qui souffrent de troubles ou de lésions cérébrales.