Imaginez: vous plantez une graine et, avec une grande précision, vous êtes capable de prédire la hauteur exacte de l’arbre qui va grandir. Puis vous voyagez dans le futur et prenez la photo qui va prouver que vous aviez raison. Si vous remplacez la graine par l’univers primordial et l’arbre par l’univers actuel, vous pouvez vous imaginer l’ambition qu’a le programme Dark Energy Survey. Les chercheurs de ce programme ont récemment dévoilé la carte la plus précise jamais réalisé de la répartition de la matière noire dans notre univers. L’équipe a observé plus de 26 millions de galaxies sur une portion d’un trentième du ciel durant la première année de ce projet qui doit durer 5 ans. La carte aidera peut-être les scientifiques à comprendre de quoi est constituée la matière noire et en apprendre davantage sur d’autres phénomènes mystérieux comme l’énergie noire. L’énergie et la matière noire représentent probablement l’un des plus grands mystères de la science.
Les scientifiques suspectent que l’univers contient plus de matière que celle que l’on observe depuis plus de 80 ans. En effet, le mouvement des étoiles et des galaxies laisse à penser que l’univers est aussi fait d’une matière invisible, appelé aussi matière noire. En 1998, deux équipes d’astronomes ont découvert que l’expansion de l’univers s’accélère, comme la théorie le suggérait. Les astrophysiciens en tirèrent la conclusion que ce phénomène est dû à l’énergie noire. Depuis, les observations indiquent que l’énergie et la matière noire compte pour 96% de l’univers. Le challenge est de trouver les moyens d’étudier ces phénomènes invisibles en détail. Le programme DES a commencé en 2004 et implique 400 scientifiques de 26 instituts à travers 7 pays. L’équipe s’est servie de l’une des caméras les plus sensibles jamais construite: la dark energy caméra (570 mégas pixels) conçue est testée par le Fermilab, puis installé sur le télescope Blanco au Chili. Elle est capable de détecter la lumière provenant de galaxies à des milliards d’années-lumière. En observant les déformations de la lumière, les chercheurs sont capables de calculer la répartition de la matière noire dans l’espace.
Les résultats ont conforté les estimations précédente du programme Planck: 70% d’énergie noire, 26% de matière noire et seulement 4% de matière ordinaire. L’Univers est composé de diverses formes de matière et d’énergie : lumière, matière ordinaire, matière sombre, énergie sombre, neutrinos. Sa composition change au cours du temps du fait des différentes propriétés de ses constituants, notamment leur pression. L’un des buts importants de Planck était de déterminer cette composition le plus précisément possible. Le satellite Planck a observé l’Univers tel qu’il était il y a plus de 13 milliards d’années grâce à la lumière émise environ 380 000 ans après sa naissance. Cette lumière, appelée rayonnement fossile, voyage toujours librement dans l’espace. Planck a permis véritablement d’observer l’Univers à la période où il a enfin pu nous transmettre de l’information grâce à la lumière délivrée du plasma primordial. Cette première image contient l’empreinte des conditions physiques initiales et nous renseigne sur les mécanismes qui ont initié la formation des galaxies.
L’énergie noire pourrait s’exprimer sous la forme d’un terme constant gouvernant l’évolution de l’Univers à très très grande échelle. Cette constante a été initialement introduite par Albert Einstein sous le nom de constante cosmologique. Il l’a ajoutée dans les équations afin de maintenir un Univers statique et non en expansion, avant de qualifier lui-même cette modification de plus grande erreur de sa vie.Les dernières observations ont remis cette constante au goût du jour, non pas pour rendre statique l’Univers qui est effectivement en expansion, mais au contraire comme moteur d’accélération de cette expansion. Le grand théoricien russe Yakov Zel’dovich a été l’un des premiers à comprendre l’importance de la constante cosmologique d’Einstein et à l’interpréter comme un terme d’énergie du vide quantique.