HISTOIRE DE L’ELECTRICITE

L’électricité est l’un des phénomènes les plus impressionnants qui soit. Et sa manifestation la plus puissante est la foudre. Son histoire se déroule sur près de 300 ans et elle regorge d’idées extravagantes et d’expériences incroyables. Grâce à des hommes de génie qui ont réussi à maîtriser l’électricité, nous avons pu illuminer nos villes, communiquer à travers les océans et dans les airs, créer nos industries modernes et entamer notre révolution numérique. Nous allons commencer par découvrir ces savants qui ont jeté les bases de notre monde moderne en dévoilant ses mystères.

MATRIX

À la Royale Society de Londres en 1703, à la mort de son vieil ennemi Robert Hook et après avoir passé des années à étudier la nature, Isaac Newton prend enfin la tête de l’institution. Afin de consolider sa position, il nomme aux postes clés des hommes en qui il a toute confiance. Le nouveau responsable des expérimentations est Francis Hawksbee, 35 ans. Des documents datés de 1705 révèlent combien ce dernier s’efforce de marquer de son empreinte ces réunions hebdomadaires. Et comment, pour impressionner ses supérieurs, il procède à des expériences toujours plus étranges. En novembre, il présente une sphère en verre qu’il a vidé de son air grâce à une nouvelle machine: la pompe à vide. Une manivelle lui permet de tourner la sphère. Dans la pièce, toutes les bougies sont éteintes. Puis Hawksbee place sa main au-dessus de la sphère. Le public assistera à un spectacle stupéfiant: à l’intérieur de la sphère une lueur bleue apparaît. Personne n’avait encore jamais vu un tel phénomène. À cette époque, Dieu était la réponse à beaucoup de questions et ce genre de manifestation n’était pas apprécié de tous. Hawksbee ne se rendra pas compte de la portée de sa découverte et délaissera sa sphère, il passera sa vie à réaliser d’autres expériences spectaculaires afin de vérifier les théories de Newton. Sans le vouloir, il va déclencher le début d’une révolution électrique grâce à sa machine électrostatique.

ELECTROSTATIQUE

Avant lui l’électricité n’était qu’une simple curiosité. Les Grecs frottaient de l’ambre, qu’ils appelaient elektron, pour produire de petites décharges. Même la reine Elisabeth 1ère s’émerveillait de voir que l’électricité statique pouvait soulever des plumes. Grâce à la machine d’Hawksbee, on peut désormais la produire en continu et la voire. Ce sera le début du siècle des lumières, qui verra naître la philosophie naturelle: autrement dit la pensée scientifique. Au départ pourtant, peu de gens s’intéressent à cette machine: elle intéresse surtout les magiciens des rues pour leurs spectacles. Ceux que l’électricité fascine se font appeler électriciens. Lors de ces spectacles, la machine d’Hawksbee sert au prestidigitateur pour se charger en électricité et enflammer un verre de cognac du bout du doigt, pour donner des décharges aux spectateurs, ou bien procéder à la célèbre béatification: une couronne chargée est suspendue au-dessus de la tête puis déchargée par contact ce qui produit un halo, spectaculaire pour l’époque. L’Angleterre et le reste de l’Europe se passionne pour l’électricité et les spectacles attirent de plus en plus de monde. Les électriciens les plus curieux souhaitent approfondir leurs recherches sur l’électricité: il ne s’agit plus d’améliorer les représentations mais de maîtriser cette puissance. Certains se demandent si elle ne pas avoir d’autre finalité que le simple divertissement.

La Chartreuse de Londres est une institution caritative qui accueille les orphelins et des hommes âgés depuis plus de 400 ans. Dans les années 1720, un certain Stephen Gray y a trouvé refuge. C’est un teinturier prospère de Canterbury. Il est habitué à voir des étincelles jaillir de la soie et elles le fascinent. Mais un accident malheureux va mettre un terme à sa carrière, le laissant invalide et sans ressource. Il trouvera dans cet établissement le temps de se consacrer enfin à ses propres expériences. En 1730, une de ces expériences consistera à faire s’allonger un assistant sur des balançoires suspendues sur des cordes en soie. Au moyen d’une tige métallique et de la machine d’Hawksbee, l’assistant est chargé en électricité. Des feuilles d’or, qui étaient préalablement posées au sol, effectuent des allers-retours entre les mains de l’assistant et le sol. C’est une démonstration très impressionnante pour le public, qui permettra une meilleure compréhension du phénomène: l’électricité peut se déplacer ou être arrêté en fonction des matières. Gray les divisera en deux catégories: les isolants et les conducteurs. Une connaissance toujours mise en pratique et visible sur nos réseaux électriques: les câbles conducteurs sont isolés des pylônes par des disques en verre. Mais Gray est un peu déçu de ne pouvoir stocker cette énergie.  De l’autre côté de la Manche, dans la ville de Leyde aux pays-bas, un professeur va faire une découverte significative: c’est le professeur Pieter van Musschenbroek. Contrairement à Hawksbee et Gray, c’est un universitaire. Sa découverte sera pourtant due au hasard. Considérant l’électricité comme un fluide similaire à l’eau, son expérience consiste à verser de l’eau dans un Becher en verre posé sur un isolant. Et ses tentatives de charger l’eau avec une machine électrostatique sont des échecs…jusqu’au jour ou il oublie de poser le Becher sur l’isolant. Tenant le récipient dans une main et touchant le couvercle par où passait le conducteur de charge, il reçut un choc électrique terrible qu’il consigna dans ses écrits. Puis il réitéra l’expérience avec prudence cette fois et tenta de produire une étincelle: c’est la première fois qu’un homme produit une telle étincelle. Il réussira même à stocker cette énergie dans le Becher pendant des heures, voir des jours: c’est la découverte de la bouteille de Leyde, l’ancêtre de nos condensateurs, qui deviendra célèbre en 1745. C’est la première information scientifique à voyager si rapidement à travers le monde. Mais personne n’est capable d’expliquer pourquoi la réaction est si violente lorsqu’on laisse ce fluide électrique s’écouler vers la terre, et bien d’autres questions qui resteront longtemps sans réponses.

Moins de dix ans plus tard, une autre découverte va surprendre l’Europe. Et elle sera l’œuvre d’un ennemi de l’establishment politique et philosophique londonien, un simple colon. L’américain Benjamin Franklin souhaite faire reculer l’ignorance et balayer ainsi la puissance coloniale et son élitisme intellectuelle grâce à la recherche scientifique. Une idée égalitaire et démocratique: ce domaine est ouvert à tous. Franklin publie en 1750 le protocole d’une expérience, proposant de faire voler un cerf-volant au cours d’un orage, une clef métallique attachée au fil du cerf-volant. Les risques mortels auxquels s’expose un expérimentateur au cours de cette expérience sont déjà connus à l’époque, et Franklin rédige ce protocole comme une demi-plaisanterie adressée à ses contradicteurs. La découverte viendra d’une autre expérience qu’il a imaginée mais n’a cependant pas réalisé lui-même. En cette moitié du 18e siècle, les Français adorent Benjamin Franklin et réalisent certaines de ses expériences. Sur la suggestion de Buffon, Thomas-François Dalibard avait dressé dans le jardin de sa maison de Marly-la-Ville (Val d’Oise) une grande verge de fer pointu en 1752, selon la méthode Franklin: on pouvait produire des étincelles par temps d’orage grâce à une longue tige de fer dressée vers le ciel et plongée dans une bouteille (équivalent de la bouteille de Leyde). L’expérience fut un succès, à tel point qu’un assistant s’y brûla les mains. Grâce à Dalibard, l’Académie des sciences reconnut les travaux de Franklin qui devint célèbre pour avoir démontré que les orages sont un phénomène électrique.  Son esprit rationnel pousse Franklin à se demander pourquoi la bouteille de Leyde produite davantage d’étincelles lorsqu’on la tient dans la main. Il établit également une comparaison ingénieuse: l’électricité est comme un compte en banque, elle peut être débitrice (négative) ou créditrice (positive). L’explication en est simple: lorsque le Becher est chargé négativement sur un isolant, les charges accumulées sont partielles…tandis que sans isolant les charges positives de l’autre côté du Becher (qui proviennent de la main et du sol) permettent d’attirer davantage de charges négatives, et de finalement les libérer lors d’un court-circuit de décharge qui peut aller jusqu’à produire une étincelle. Grâce aux condensateurs modernes, directement inspirés de la bouteille de Leyde, nous pouvons protéger les autres composants d’une carte électronique contre les surtensions. Dans la continuité de ces découvertes, un poisson fascinera les électriciens: le poisson torpille. Les pêcheurs racontent que sa piqûre peut jeter à terre un homme adulte. La secousse ressentie est étrangement ressemblante à celle de la bouteille de Leyde. Mais personne ne comprend réellement la nature du phénomène. C’est un des scientifiques les plus brillants d’Angleterre qui en brisera le secret: Henry Cavendish. Issu d’une famille très riche, il renonce pourtant à l’argent de sa famille. La science est une passion pour lui et il s’installe à Londres près de la Royale Society. Il décide de réaliser une torpille artificielle avec deux bouteilles de Leyde enterrées dans le sable. Ses expériences révéleront la nature électrique du poisson malgré l’absence d’étincelle et finiront par établir la distinction entre tension et intensité électrique (les volts et les ampères), un progrès majeur en électricité.

Un autre chapitre s’ouvrira grâce à la rivalité qui opposera deux universitaires italiens aux conceptions très différentes dans un cadre très empreint de religion: Luigi Galvani (un brillant médecin anatomiste et physicien plutôt religieux) de l’université de Bologne et Alessandro Volta (un physicien et chimiste rationaliste inventeur de la pile) de l’université de Pavie. Suite aux nouvelles découvertes, Galvani imagina de se servir de l’électricité comme un traitement médical. En 1759 à Bologne, un homme paralysé sera soumis à des décharges: les muscles réagirent parfaitement aux stimulations électriques. Pour Galvani c’est une preuve de plus de la présence de fluides électriques dans les organismes vivants, dons Dieu serait à l’origine. Pour le prouver il va se livrer à diverses expériences sur des grenouilles disséquées dès 1786. Une des expériences de Galvani va piquer sa curiosité: des fils de métaux de nature différente font réagir les muscles de grenouille. Il en conclura qu’un fluide électrique est produit même après la mort dans la grenouille et publiera ses résultats en 1791, le confortant dans son hypothèse. Mais Volta un grand sceptique, crois plutôt à un fluide venant de l’extérieur et réaliseront ses propres expériences pour découvrir l’origine de l’électricité. L’une de ses expériences lui fera découvrir que l’association de deux métaux différents sur le bout de la langue change leurs goûts avec un léger picotement. L’électricité a donc un gout. Ses réflexions sur la nature de l’électricité générée par la torpille et d’autres expériences le conduiront à l’invention de la pile Voltaïque, une succession de pièces de métaux différents.  Galvani avait tort, l’électricité animale n’est pas l’oeuvre de Dieu car l’homme peut la produire grâce à cette pile. Et la production est continue. On la nommera courant électrique. Un peu plus de 200 ans après l’invention de la pile Voltaïque, nous avons enfin compris la nature de l’électricité. L’atome, composant de la matière, est constitué d’un noyau et d’électrons chargés qui tournent autour. Dans le cas des métaux, certains électrons passent librement d’un atome à l’autre. Si tous ces électrons semi-libres se déplacent tous dans la même direction et en même temps, l’effet cumulatif génère un flux de charge électrique. C’est ce flux qu’on appelle courant électrique. Volta publiera ses travaux et très vite on fit de nouvelles découvertes. L’effet de la pile sur l’eau est totalement inattendu: le flux électrique continue sépare l’eau en deux gaz. C’est l’oxygène et l’hydrogène. Cela annonce le début d’une nouvelle ère dans les domaines de la chimie, la physique et l’industrie. La pile révolutionnaire de Volta deviendra célèbre dans le monde, contrairement à Galvani qui connaîtra une fin moins glorieuse. En 1803 une expérience, macabre cette fois, est à mentionner : celle du neveux de Galvani, Giovanni Aldini. Un meurtrier a été pendu, du courant est envoyé dans son corps qui se redresse. Le récit de l’événement marquera fortement une écrivaine: Mary Shelley, qui n’est autre que l’auteur du roman Frankenstein. Un autre scientifique qui deviendra célèbre va faire son apparition à la Royale institution de Londres: Humphry Davy. C’est un physicien d’une nouvelle génération passionné d’électricité: en 1808 il fabrique la plus grande batterie du monde. Composée de plus de 800 piles reliées entre elles et occupe toute une pièce à l’institution. Dans une pièce plongée dans le noir hormis quelques bougies, son expérience consistera à relier deux charbons de bois aux extrémités des câbles de la batterie géante et à les rapprocher. Le résultat est spectaculaire: un arc électrique aveuglant et continu se forme. Davy vient d’inventer l’arc électrique.

Cela fait maintenant une centaine d’années que l’on progresse dans la compréhension des phénomènes électriques. Un nouveau chapitre s’ouvre à la Royale institution de Londres en 1812 avec un jeune homme apprentis relieur du nom de Michael Faraday. Il n’avait pas eu la chance de réaliser un parcours universitaire mais il était curieux et avide de connaissances scientifiques. Grâce à la rencontre du chimiste Humphry Davy lors d’une conférence, il réalise son rêve et obtient un poste d’assistant à la Royale institution un an plus tard. En 1820 le physicien et chimiste Hans Christian Ørsted fait une importante découverte : lors d’une expérience il se rend compte que le passage d’un courant électrique dans un conducteur dévie une boussole. C’est le début d’un nouveau concept: l’Électromagnétisme, l’une des 4 forces fondamentales de la nature. Faraday décide de reproduire cette expérience et il inventera un appareil pour prouver ses théories sur les forces électromagnétiques: lorsqu’un câble électrique, trempant dans un bain de mercure au milieu duquel est placé un aimant statique, est traversé par un courant électrique, le câble se met alors à tourner autour de l’aimant. Par ce mouvement circulaire continu d’une force magnétique autour d’un fil, Faraday fait la première démonstration d’un moteur électrique. Son imagination lui suggère la possibilité d’inverser ce phénomène: produire un courant électrique grâce à un mouvement mécanique.   Il y parviendra en 1831: son expérience consiste à déplacer un barreau aimanté à l’intérieur d’une bobine de fil de cuivre par un mouvement se va et viens et détectera un infime courant électrique. Il comprend qu’il est sur la bonne voie. Une seconde expérience de Faraday consistera à faire tourner un disque de cuivre à travers un champ magnétique. Pendant la rotation du disque, les électrons sont déviés et s’accumulent en périphérie tandis que le centre se charge positivement. Lorsqu’on relie le disque à des fils, les électrons circulent en un flux continu. À la différence d’une pile, le courant ne circule que tant que le disque est en rotation: c’est le principe d’induction électrique qui vient d’être découvert. Ce sera le début d’une décennie de découvertes pour Faraday qui sait désormais comment orienter ses futurs travaux de recherche pour découvrir la véritable nature de l’électricité. Dans son travail sur le courant continu, Faraday démontrera que la charge se situe seulement à l’extérieur d’un conducteur chargé, et que celle-ci n’a aucun effet sur ce qui peut être situé à l’intérieur : c’est l’effet de blindage, utilisé dans la cage de Faraday.

Pendant ce temps, ailleurs en Europe, les inventeurs se demandent surtout de quelle manière cette force pourrait servir ou faire gagner de l’argent. Le Britannique William Sturgeon inventera l’électroaimant en 1824. Son premier électroaimant était composé d’une pièce de fer en forme de fer à cheval entourée d’environ 18 tours de fil de cuivre non isolé (le fil isolé n’existait pas encore). Le fer était verni pour l’isoler de l’enroulement de cuivre. Lorsqu’un courant traversait la bobine, le fer devenait magnétique et attirait d’autres morceaux de fer. Quand le courant était coupé, cet effet disparaissait. Sturgeon montra que, bien qu’il ne pesât qu’environ 200 grammes, son électroaimant était capable de soulever environ 4 kilogrammes quand le courant d’une seule pile était appliqué. Cependant, les électroaimants de Sturgeon étaient en fait faible car le fil non isolé ne pouvait être enroulé que sur une seule couche autour du cœur magnétique, ce qui limite le nombre de tours et implique un courant intense et une forte chaleur dissipée destructrice du vernis. À partir de 1830, le physicien américain Joseph Henry améliora et popularisa l’électroaimant. En utilisant du fil isolé par du fil de soie, et en s’inspirant de l’utilisation de multiples tours de fil par Johann Schweigger pour son galvanomètre, il réussit à enrouler plusieurs couches de fil sur les cœurs, créant des aimants puissants présentant des milliers de tours de fil, dont un pouvant supporter 1,5 tonne. Les électroaimants ont eu pour la première fois une application majeure dans la technique du télégraphe électrique au XIXe siècle et ont permis de passer de la lecture du code par l’électrochimie de l’émission de bulles de gaz, à la lecture électrotechnique par un traceur mécanique et un indicateur sonore. S’intéressant par curiosité à l’électroaimant (à travers les travaux d’Ampère) qui met en œuvre ce principe, le peintre Américain Samuel Finley MORSE commence à réfléchir en 1832 à l’exploitation des phénomènes électriques pour la communication à distance.  Grâce à une aide financière et technique, notamment avec le concours du mécanicien Alfred Vail, Morse parvient à faire fonctionner son télégraphe électrique en 1837. Parallèlement en Grande-Bretagne, Cooke et Wheatstone perfectionnent le leur. En 1838, Morse développe un système de traits et de points pour désigner les lettres et les nombres.  La réussite particulière de Morse est d’avoir conjugué l’invention d’un code simple et des procédés techniques, et d’avoir réussi à susciter la construction de lignes télégraphiques qui se développent dans le monde dès 1845, venant mettre fin à la télégraphie optique. Le câble télégraphique transatlantique a contribué au développement d’un réseau international de communications. Véritable aventure technologique et humaine, il faudra attendre neuf années pour que cette entreprise audacieuse soit enfin couronnée de succès. Une première tentative a lieu en 1857 sous l’impulsion de l’Américain Cyrus Field. Pour réaliser ce projet, deux navires partent d’Irlande, transportant chacun la moitié du câble. Le premier conducteur posé, une épissure devait être réalisée entre les deux moitiés, et le second navire devait poursuivre sa route jusqu’en Amérique. Hélas, le câble se rompt à 500 kilomètres des côtes irlandaises. Lors de la deuxième tentative, il est décidé de faire partir deux navires du milieu de l’Atlantique, chacun devant rallier un côté de l’Atlantique. Le 5 août 1858, un câble est posé entre l’île de Valentia sur les côtes irlandaises et Trinity-Bay à Terre-Neuve. Malheureusement, la ligne ne fonctionne que 20 jours. Un message inaugural pourra toutefois être échangé entre la reine Victoria et le président américain James Buchanan. Des défauts de conception du câble sont à l’origine de cet échec, mais aussi la compréhension des phénomènes electromagnétiques dans les cables. Sur de grandes distances les messages constitués de points et de traits sont brouillés. L’analyse de cet echec sera l’occasion de faire de nombreux progès technologique dans le domaine des impulsions electromagnétiques. Le projet est repris en 1865. Cette fois, un seul navire est utilisé. Il s’agit du Great-Eastern, un paquebot hors norme capable de transporter en un seul tronçon un câble d’une longueur de plus de 4 000 kilomètres. Là encore, c’est un échec. Une nouvelle tentative a lieu l’année suivante, et la ténacité de Cyrus Field est enfin récompensée. La liaison est établie le 27 juillet 1866.

La rapidité des communications rendues possibles grâce au télégraphe est une révolution pour la vie des gens ordinaires. Une autre est à venir dont chacun voudra profiter: la lumière électrique. Jusqu’au 19e siècle, l’homme ne connaît qu’une seule méthode d’éclairage: faire brûler des combustibles. Vers 1850, on a mis au point un système d’éclairage des maisons très efficace à partir du gaz. Mais les lampes à gaz donnent une lumière trop faible pour l’extérieur, raison pour laquelle on commence à utiliser une autre source de lumière pour éclairer les ruelles et les gares: les lampes à arc électriques. Dès 1808 Humphry Davy, le mentor de Michael Faraday, avaient réalisé les premières expériences d’arc électrique à la Royale institution. Il avait réussi à faire passer du courant continu entre deux morceaux de charbon de bois. Une invention révolutionnaire va être attribuée à Joseph Swan en 1878 et améliorée par Thomas Edison en 1879. Suite à un procès, les deux inventeurs obtiennent le droit de fabriquer leurs ampoules. Swan invente alors le culot à baïonnette et Edison le culot à vis. Alors que la version de Swann est datée de 1878, ses premières traces remontent en fait aux travaux d’un inventeur britannique visionnaire, James Bowman Lindsay, qui en 1835 présente un prototype d’ampoule électrique de très faible puissance qui permettait tout de même, selon ses dires de lire un livre à presque un demi-mètre. C’est en 1850 que Joseph Swan, compatriote de Lindsay, commence à s’intéresser à la lumière électrique. Il a l’idée d’utiliser un filament de papier carbonisé placé dans une ampoule sous vide. Cependant, aussi géniale soit-elle, l’idée reste des années en plan car l’éclairage fourni par ce système n’est absolument pas satisfaisant. Né en 1847 Thomas Alva Edison n’était pas un inventeur motivé par l’argent mais bien par sa passion des sciences. Avec plus de 1000 inventions brevetées à son actif, ce scientifique et homme d’affaires américain est aujourd’hui considéré comme l’un des plus grands inventeurs de tous les temps. En 1876 le jeune homme à 27 ans lorsqu’il fonde son propre laboratoire de recherche à Menlo Park et s’entoure alors de nombreux ingénieurs. Pour mettre au point un filament capable d’émettre de la lumière au passage de l’électricité, Thomas Edison a recherché le matériau idéal aux quatre coins du monde. Il optera pour un filament en bambou carbonisé dont il déposera le brevet en 1879. L’ampoule électrique imaginée par Edison est encore imparfaite car le filament brûle au bout de 30 heures. Lewis Howard Latimer, ingénieur de le Edison Electric Light Company, trouve la solution à ce problème. Il met au point une ampoule à incandescence avec filament de carbone, qu’il fait breveter en 1882. L’ampoule électrique à incandescence que nous connaissons aujourd’hui utilise un filament de tungstène, un métal beaucoup plus résistant à la chaleur que le carbone. Edison est plus qu’un simple inventeur, c’est un entrepreneur qui deviendra un véritable poids lourd de l’ingénierie et de l’industrie électrique: c’est le fondateur d’une société qui deviendra la Général Electric. Edison a des projets très ambitieux et une stratégie lucrative, il conçoit du matériel, des installations et projette de construire la première centrale électrique à courant continu. Il veut éclairer la plus grande ville du monde: New York. Sa réputation le rend crédible et son équipe technique est sur le point de se lancer dans cette aventure très risquée financièrement. Il cherchera à donner un nouveau visage à l’électricité et à sécuriser sa distribution comme par exemple les lignes enterrées. Mais son choix d’utiliser du courant continu est un obstacle au déploiement des réseaux électriques: ses clients ne doivent pas se trouver à plus d’1,5 km de la centrale et les zones à faible densité économique sont exclues. Si l’on avait suivi ses choix personnels, notre paysage serait très différent. Il y aurait des centrales un peu partout et les installations seraient hors de prix. Le 4 septembre 1882 Edison inaugure la première centrale électrique à charbon du monde qui permet de faire fonctionner l’éclairage électrique des bureaux du New York Times et d’autres bâtiments aux alentours de Wall Street à Manhattan.

Un autre inventeur, grand rival de Thomas Edison, va faire son apparition: le Serbe Nikola Tesla. Leurs personnalités étaient très opposées: Edison avait un ego surdimensionné et Tesla de très grandes aptitudes intellectuelles. L’ingénieur croate se voit confier la mission d’aider Edison à améliorer la qualité du réseau électrique de la ville. Celui-ci, fondé sur le courant continu, connaît alors des ratés à répétition. Tesla ne tarde pas à lui faire une suggestion: adopter le courant alternatif. Thomas Edison refuse catégoriquement et Tesla finira par démissionner de son poste. Mais Tesla rêve d’alimenter des pays entiers et pense que le courant alternatif est la solution. Il sait qu’en augmentant la tension on peut faire baisser l’intensité selon une loi bien connue des électriciens: P = U x I . Ainsi les rendements sont meilleurs et la résistance électrique sur de longues distances ne seront plus un problème. Mais personne ne souhaite avoir de la haute tension à son domicile. Dans le même temps, plusieurs inventeurs européens travaillent sur une nouvelle technique: le transformateur de courant alternatif. La technique de l’époque ne permettait pas d’élever ou abaisser la tension d’un courant continu, alors que c’était possible pour le courant alternatif. Le riche industriel George Westinghouse est rapidement convaincu du potentiel du courant alternatif. Mais il manquait toutefois un élément essentiel au développement des réseaux de distribution: le moteur électrique à courant alternatif. C’est ce moteur à courant alternatif que Tesla finira par faire breveter. Tesla avait découvert en 1882 le principe du champ magnétique tournant puis l’avait utilisé en 1883 pour concevoir la première machine asynchrone. Après avoir démissionné de son poste chez Edison, il fonde en 1886 sa propre entreprise, mais il est lâché par ses associés et est ruiné. Il travaille alors comme terrassier dans les rues de New York tout en continuant ses expériences, et fonde une nouvelle société en avril 1887 grâce à un groupe de financiers: la Nikola Tesla Company. Westinghouse est particulièrement intéressé par le travail de Tesla et négocie un accord de licence pour ses brevets. En plus de cet accord, il l’engage pour un an comme consultant dans sa propre entreprise. À partir de 1888, le moteur alternatif polyphasé sera distribué à grande échelle.

La volonté de Westinghouse de développer l’utilisation du courant alternatif se heurte à celle d’Edison qui a misé sur le courant continu. Les deux hommes mènent une véritable « Guerre des courants ». Edison affirme que les hauts voltages sont dangereux et Westinghouse lui répond que ces risques sont évitables. Dans plusieurs États américains, Edison se voit refuser une demande de limitation des tensions à 800 volts pour le transport de l’électricité. En 1887, l’État de New York cherche à déterminer la meilleure manière d’exécuter les condamnés à mort et consulte Edison à ce sujet. Ce dernier est d’abord réticent, car opposé à la peine de mort, mais face aux succès remportés par Westinghouse sur le front la distribution d’électricité, il voit là une occasion de porter un coup décisif. Il engage alors Harold Brown, un ingénieur, afin de tuer par électrocution des animaux lors d’expériences publiques, en utilisant bien sûr un courant alternatif. Édison affirme alors aux autorités que le courant alternatif est si puissant qu’il peut tuer instantanément une personne, ce qui en fait un moyen idéal pour procéder à des exécutions. En août 1890 a lieu la première exécution capitale au moyen de la chaise électrique de Brown. Westinghouse tente de riposter en engageant le meilleur avocat de l’époque, qui condamne l’électrocution en arguant de la cruauté du procédé. L’exécution de William Kemmler se révèle particulièrement laborieuse. Une dernière riposte de Tesla mettra un terme à la guerre des courants. En 1891, Nikola Tesla réunit une assemblée des meilleurs ingénieurs électriciens et leur dévoile son nouveau transformateur: la bobine Tesla. Il s’agit d’une bobine sans noyau magnétique qui fonctionne en résonance à haute fréquence et produit de très hautes tensions. Lors de sa présentation, alors qu’il ne porte aucune protection, le courant traverse le corps de l’inventeur et illumine une lampe qu’il tient à la main. Cette expérience prouve qu’utilisée correctement, l’électricité alternative très haute tension est sans danger. Il remporte la guerre des courants. Edison échouera finalement dans sa campagne de dénigrement du courant alternatif et son entreprise, la Général Electric, se lancera à son tour dans la production d’équipements adaptés à ce type de courant. Cette guerre avec Edison laissera leurs deux compagnies (Westinghouse et Général Electric) proches de la faillite. En 1893, Westinghouse est choisi pour construire le réseau électrique qui illuminera la World Columbian Exposition à Chicago : le succès met en avant son entreprise et la technique qu’elle développe. Il est également choisi pour construire le premier réseau de grande envergure, reliant les générateurs des chutes du Niagara à la ville de Buffalo, distante d’une quarantaine de kilomètres. Il démontre ainsi la faisabilité du transport d’électricité sûr de grandes distances. Les inventions de Tesla auraient pu le rendre riche, ce ne fut pourtant pas le cas. Il renoncera en 1897 à ses droits sur les brevets pour sauver la compagnie de Westinghouse de la faillite. Atteints de folie il finira sa vie dans la solitude et sans ressource, reclus dans un hôtel. Edison au contraire deviendra un héros pour l’Amérique et restera célèbre comme Fondateur de la général Electric, l’une des premières puissances industrielles mondiales, et comme l’un des inventeurs les plus prolifiques dans bien des domaines.

Après des siècles d’expérimentation, une nouvelle ère s’ouvre: celle de la compréhension. Au cours du siècle écoulé, les théoriciens ont progressé dans leurs conceptions et mathématisations des phénomènes électromagnétiques. Ampère, Arago, Maxwell… Si vous positionnez un tube fluorescent sous une ligne haute tension, il s’illuminera. C’est une bonne démonstration des champ magnétique produites par les lignes électriques et expérimenté par Faraday. Mais les mettre par écrit est plus compliqué que de réaliser des expériences. En cela James Clerk Maxwell restera un théoricien hors du commun. Vers 1865, Maxwell a réalisé une synthèse harmonieuse des diverses lois expérimentales découvertes par ses prédécesseurs (lois de l’électrostatique, du magnétisme, de l’induction…). Les équations de Maxwell prédisent l’existence d’un champ magnétique généré par le courant électrique et montrent comment les manipuler. Ses calculs montrent comment les perturber: en inversant le sens du courant, on peut créer des rides comme à la surface de l’eau. Le courant alternatif produit donc des ondes qui transportent de l’énergie et peuvent se propager éternellement si rien ne viens l’absorber. Peu d’intellectuels sont capables de comprendre ses calculs à l’époque, mais ses travaux inspireront le physicien Heinrich Hertz. Il va tenter de réaliser une expérience qui prouvera les théories de Maxwell. Elle consiste en une machine émettrice et un récepteur de l’onde théorique. Les effets devraient être visibles grâce à des étincelles, et c’est pourquoi il passera beaucoup de temps dans le noir pour réussir. Mais ce n’est pas le seul, Oliver Lodge tente aussi des expériences. Et début 1888, lors d’une expérience sur la protection contre la foudre, il constate une chose inhabituelle. Lorsqu’il envoie un courant alternatif dans les fils, il observe des arcs dont les motifs sont réguliers et récurrents. Il comprend que ce sont les creux et les crêtes de l’onde électromagnétique de Maxwell. Il décide de partir en vacances avant d’annoncer sa découverte. Mais c’est une mauvaise idée car Hertz vient également de réussir son expérience. En 1894 une foule se presse devant le museum d’histoire naturelle d’Oxford pour écouter l’allocution du professeur Lodge lors de la réunion annuelle pour le progrès scientifique. Et Lodge pense vivre son heure de gloire grâce à sa découverte. Son ami George Fitzgerald doit faire un discours inaugural: il annonce la découverte faite par Hertz qui coiffe ainsi Lodge au poteau.  Une autre révolution commence à Oxford au cours de l’été 1894. Lodge a beaucoup travaillé et souhaite présenter ses travaux. Son invention consiste en une amélioration d’un système inventé par Hertz, il a juste ajouté des tubes de limaille de fer. Ils permettent une transmission sans fil entre deux appareils et qui ressemble étrangement au télégraphe filaire. C’est la naissance des communications sans fil basé sur les ondes Hertziennes. Après la publication de sa conférence, un peu partout dans le monde, d’autres inventeurs vont se lancer dans des expériences sur les ondes Hertziennes. Deux acteurs majeurs vont se démarquer et devenir célèbres: Guglielmo Marconi et Jagadish Chandra Bose. À l’été 1894, Marconi apprend la mort d’Hertz et imagine d’utiliser ses travaux comme moyen de communication sans l’aide du fils. Avec son frère Alphondo, il s’installe dans le grenier de la maison familiale et construit un appareillage qui permet de faire tinter une sonnette deux étages plus bas. Il associe bobine de Ruhmkorff, éclateurs, manipulateur télégraphique de morse, cohéreur de Branly, antennes verticales de Popov pour concevoir un ensemble émetteur-récepteur complet. Au printemps de 1895, ce bricoleur de génie réussit à transmettre des signaux sur une distance de 1400 m. L’année suivante, à 22 ans, il propose son invention au Ministère des Postes italien qui ne le prend pas au sérieux. Sur le conseil de sa mère, Marconi part pour l’Angleterre où l’ingénieur David Jameson, le cousin de sa mère, va l’introduire auprès du ministre des Postes et Télégraphes Sir William Preece qui va très rapidement partager son enthousiasme et lui prêter un assistant George Kemp. En 1896 Marconi dépose un brevet sur « l’invention de progrès dans la transmission des oscillations et signaux électriques et dans les appareils nécessaires ». Le 16 juin 1897, suite à ses premiers succès, il est convié à faire une présentation devant le Royal Society sous couvert de son protecteur Preece. Sir Oliver Lodge assiste à cette présentation. Le 3 juin 1898, il transmet le premier message radio payant entre l’Île de Wight et Bornmouth. Son premier client n’est autre que Lord Kelvin qui débourse un penny pour le service! Cet excellent technicien n’est pas vraiment un savant et il ne s’en cache pas. Il améliore petit à petit son système en « bricolant » et s’assure la collaboration d’inventeurs de valeur. Mais la célébrité de Marconi auprès du public et le succès commercial de son entreprise arrive incontestablement à la suite de la retransmission d’une régate qu’il fait « en direct » dans la baie de New York le 15 septembre 1899 (1200 messages transmis aux organisateurs et à la presse en temps réel).

En fin de compte, Marconi a profité des travaux des véritables inventeurs pour faire fortune et entrer dans l’histoire. En 1909 il est colauréat du prix Nobel de physique de 1909 « en reconnaissance de ses contributions au développement de la télégraphie sans fil ». En parallèle de Marconi, Jagadish Chandra Bose est un professeur d’université à Calcutta qui a étudié à Cambridge. Il est indien et cela ne facilite pas les choses. Mais il est droit et intègre, et ne s’intéresse pas au profit. En 1896 il expose ses travaux lors d’une conférence à Liverpool. En raison des conditions météo de sa patrie, la limaille de fer fonctionne mal et c’est pour cela qu’il a inventé un autre système plus fiable avec des bobines et des cristaux. Il fera sensation. Ses amis arriveront à le convaincre de déposer un brevet sur son invention, malgré son dégout pour la cupidité ambiante du milieu scientifique. Il a utilisé des cristaux de galène pour construire une forme primitive de diode semi-conductrice qu’il utilise comme détecteur d’ondes. Elle va façonner notre monde moderne: les cristaux vont remplacer la limaille de fer.  Certains cristaux ont un comportement étrange. Si vous faites circuler un courant dans un sens ou en sens inverse, le résultat n’est pas le même: ils se comportent comme des semi-conducteurs. Grâce à ce comportement, on peut détecter plus facilement les ondes électromagnétiques. À l’époque, personne ne sait l’expliquer mais cela permettra le développement de l’électronique. Le récepteur à cristal connu sous le nom de poste à galène est un récepteur radio à modulation d’amplitude extrêmement simple qui permit historiquement dès le début du XXe siècle la réception des ondes radioélectriques des premières bandes radios, des signaux de la tour Eiffel et des premiers postes de radiodiffusion. Le récepteur à cristal équipait les stations des navires, des ballons dirigeables, des avions… Il a aussi permis à des milliers d’amateurs de s’initier à l’électronique et joua un rôle important pour la diffusion de messages pendant la Première et la Seconde Guerre mondiale. Au final, Lodge sera resté beau joueur, malgré les humiliations des autres chercheurs s’attribuant des brevets qu’ils ne méritaient pas.

Mais à cette époque les scientifiques cherchent toujours à comprendre la véritable nature du phénomène électrique. Les expérimentateurs continuent donc leurs expériences. Dans les années 1850, l’allemand Heinrich Geissler est un grand souffleur de verre qui fabrique des tubes qu’il vide et y injecte un peu différents gaz. Il y fera circuler du courant électrique pour amuser le public, permettant par la même occasion l’observation des chercheurs pendant de nombreuses années. Par la suite le britannique William Crookes se demande si l’électricité pourrait se déplacer dans un vide total et perfectionna le dispositif. Il fabriqua un tube en verre dans lequel se trouvaient deux électrodes métalliques et dans lequel il arriva à diminuer fortement la pression grâce à une pompe à vide. Il observa sur les parois du tube une lueur qui fut interprétée comme étant l’impact sur le verre d’un rayonnement émis par la cathode d’où les noms de rayons cathodiques. Il fallut attendre 1897 et les expériences de Joseph John Thomson pour que le phénomène de rayons cathodiques soit expliqué. Thomson montra que les rayons cathodiques sont déviés par un champ électrique. Cette expérience permit d’affirmer que les rayons cathodiques sont constitués de particules chargées négativement. Il baptisa électrons les nouvelles particules ainsi découvertes. Ces tubes se conduisent comme des semi-conducteurs, car les électrons se déplacent uniquement de l’electrode négative vers l’electrode positive. Contrairement aux tubes de limaille, ils ne sont pas capricieux et on peut les usiner selon un cahier des charges. Appelées lampes à cathodes chaudes, elles ne tarderont pas à remplacer les cristaux dans les postes radio. Ce sera une véritable avancée technologique pour le développement de la télévision. Des années 1920 aux années 1960, une grande variété d’appareils électroniques utilisaient des tubes à vide à cathode chaude.  Aujourd’hui, les cathodes chaudes sont utilisées comme sources d’électrons dans les tubes fluorescents, les tubes à vide et les canons à électrons utilisés dans les tubes cathodiques. Il a permis la fabrication, souvent en grande série, des premiers appareils électroniques : récepteur radio, télévision, radar, etc. Il a connu son apogée dans les années 1960-1970. Puis les équipements de radio, radar, télévision, ainsi que les calculateurs, ont demandé de plus en plus de fonctions actives, rendant rédhibitoires les problèmes de volume, de consommation, et de fiabilité du tube électronique, malgré de nombreuses améliorations.  Le transistor — utilisé d’abord seul, puis sous forme de circuit intégré —, qui palliait ces défauts, supplantera dans la plupart des applications le tube électronique, notamment dans les applications basse et moyenne puissance : radio, vidéo, audio ou logique. Malgré tout, les tubes sont toujours utilisés pour des applications spécifiques, comme les très fortes puissances et la très haute fréquence : les fours à micro-ondes, le chauffage par radiofréquence industrielle, les émetteurs de radio et de télévision, les radars, les satellites.

C’est finalement au début du XXième siècle que nous avons compris de quoi les atomes étaient faits, et comment se comportaient l’électricité à l’échelle atomique. En 1911, pour vérifier le modèle de Thomson, Ernest Rutherford réalisa l’expérience de la feuille d’or. Pour expliquer ses observations expérimentales, Rutherford propose en 1913 un nouveau modèle dans lequel l’atome n’est pas plein. Pour Rutherford, l’atome est constitué d’un noyau chargé positivement et qui contient la majorité de la masse de l’atome et d’électrons qui tournent autour tels les planètes autour du Soleil sur leurs orbites. Mais chaque orbite ne peut accueillir des électrons que d’un certain niveau d’énergie. L’électron peut sauter d’une orbite à l’autre, mais seulement à condition que la quantité dé d’énergie soit exactement la bonne, sinon il reste où il est. Mais cette excitation est temporaire, et l’électron finit par revenir sur son orbite initiale en libérant cette énergie sous forme d’un photon. Et l’énergie de chaque photon dépend de sa longueur d’onde, autrement dit sa couleur. Cette théorie a permis de comprendre et d’expliquer les spectacles de la nature. Dans les tubes de Geissler par exemple, la couleur émise dépend du gaz. Les éclairs des orages doivent leur couleur bleue à l’azote dans l’atmosphère. Dans les aurores polaires, ce sont les couches supérieures contenant d’autres gaz qui émettent des photons. Mais ce modèle de l’atome allait également pouvoir expliquer les phénomènes électriques purs. Dans la machine électrostatique de Whimshurst inventée en 1882 par exemple, des électrons sont arrachés sur des secteurs métalliques et circulent à travers un circuit. Les métaux sont conducteurs parce que certains électrons sont liés très faiblement à leurs atomes dans leur couche d’électrons externe, la couche de valence. À l’inverse, les isolants possèdent des électrons fortement liés. Mais les propriétés étranges des semis-conducteurs restaient obscurs. C’est le début de la Seconde Guerre mondiale qui fera avancer la situation grace à des chercheurs d’Oxford. Les progrès réalisés dans la technique radar s’affinent. Les chercheurs réalisent que les lampes à cathode ne font plus l’affaire et ils reviennent à l’ancienne technologie des tubes de cristaux semi-conducteurs. Mais ils n’ont rien à voir avec ceux de Bose, ils seront composés d’un fil de tungstène et de cristaux de silicium et doivent être très purs. Les Anglais sont très en avance dans l’utilisation du silicium grâce aux laboratoires américains Bell. Dans ces laboratoires, on estime même pouvoir étendre l’utilisation des semi-conducteurs. La lampe à cathode finira par être modifié: en plaçant une grille sur le trajet des électrons à l’intérieur de l’ampoule, on est devenu capable d’amplifier un signal faible par un signal plus puissant. C’est la naissance de l’amplificateur nommé aujourd’hui triode. C’est l’ingénieur américain Lee de Forest qui est l’inventeur, en 1906, de cette lampe qu’il appellera Audion.  À la suite des travaux sur les semi-conducteurs, de nombreux prototypes sont mis au point. Mais rien de concluant, ils sont trop fragiles. Jusqu’à l’observation du chercheur en cristallographie Russell Hall dans un lingot de silicium: ses mesures à l’oscilloscope variaient en fonction de la lumière ambiante sous la forme d’un flux électrique. En y regardant de plus près, il remarqua une fissure, c’était une jonction cristalline. Après analyse de l’échantillon, ils se sont aperçus que cette jonction était due à la présence d’impuretés. D’un côté se trouvait des atomes de phosphore, de l’autre des atomes de bore. D’autres mesures révélèrent que les électrons passaient plus facilement du coté riche en phosphore à celui riche en bore que l’inverse. Le phénomène sera finalement expliqué: c’était la lumière qui éjectait des électrons des atomes. Mais c’était les atomes des impuretés qui généraient ce flux électrique. Le phosphore comporte sur son orbite extérieure, ou couche de valence, un électron faiblement lié. Le bore, en revanche, ne demande qu’à le récupérer car sa couche de valence n’est pas complète. Le déplacement des électrons se fait donc à sens unique. Son collègue William Shockley comprend la portée de cette découverte et imagine les possibilités qu’offrirait cette propriété à de nouveaux composants électroniques. Un de ses collègues, Gordon Teal, viens justement de développer une technique de production de monocristaux semi-conducteurs de germanium. En y coupant des tranches, ils réussiront à inventer le transistor bipolaire. L’invention du transistor sera attribuée aux Américains John Bardeen, William Shockley et Walter Brattain en 1947, chercheurs des laboratoires Bell. Les deux années suivantes furent consacrées à la recherche de nouveaux procédés de fabrication et de traitement du germanium. Le silicium était plus difficile à travailler que le germanium en raison de son point de fusion plus élevé mais il offrait une meilleure stabilité devant les changements thermiques. Néanmoins, ce n’est pas avant 1954 que le premier transistor en silicium put être réalisé. Ces chercheurs recevront pour cette invention le prix Nobel de physique en 1956. La découverte du transistor bipolaire a permis de remplacer efficacement les tubes électroniques dans les années 1950 et ainsi d’améliorer la miniaturisation et la fiabilité des circuits électroniques. Après l’invention du circuit intégré en 1958, groupant en un petit volume plusieurs transistors et composants, en 1969 est inventé le microprocesseur, permettant à des milliers de transistors de fonctionner en harmonie sur un support, ce qui est encore une fois une révolution pour l’informatique moderne. De nos jours, le transistor est omniprésent dans la plupart des appareils de notre quotidien. Le nombre de transistors a considérablement augmenté pendant que sa taille diminuait, suivant en cela la Loi de Moore.

On pourrait penser que nous sommes arrivé au terme des découvertes possibles et imaginables en matière d’électricité. Il n’en est rien. Il y a un phénomène qui nous dérange et nous fait perdre de l’énergie au quotidien. Il pose des problèmes croissants: c’est la résistance électrique. Un microprocesseur par exemple, doit être refroidi en permanence pour ne pas bruler. Cette perte représenterait 20% de notre production électrique. Et c’est un problème que nous n’avons pas encore résolu. En réalité, la température d’un matériau n’est qu’une manifestation de la vibration de ses atomes. Et la vibration des atomes augmente les collisions avec les électrons. Donc plus la matière est chaude, plus la résistance électrique est élevée.  Mais que se passe-t-il lorsque l’on approche du zéro absolu, à savoir -273°C ou 0°K? Et bien au zéro absolu les atomes ne bougent plus. Et comment réagissent les électrons? En 1911 le physicien néerlandais Heike Kamerlingh Onnes, remarqua qu’à une température inférieure à 4,2 K (-268,8°C), le mercure ne présentait plus aucune résistance électrique. Ce fut la découverte de la supraconductivité, un mot magique annonçant des phénomènes extraordinaires. La lévitation magnétique est de loin la manifestation la plus spectaculaire du phénomène de supraconductivité permettant de nos jours la réalisation de trains à très grandes vitesses. À l’état supraconducteur, un matériau refroidi à très basses températures acquiert la capacité de conduire parfaitement un courant électrique, sans résistance, et donc sans perte d’énergie. De même, à l’état supraconducteur, les matériaux possèdent la propriété d’expulser totalement le champ magnétique qui les entoure, ce qui peut se manifester par des effets spectaculaires de lévitation magnétique. C’est en 1939 que W. Meissner et R. Ochsenfeld ont observé cet effet (appelé effet Meissner) sur le plomb. C’est sur l’effet Meissner que se base la lévitation magnétique. Jusqu’en 1986, la plus haute température critique connue était de 23,2 °K. En 1988, on parvint à fabriquer des supraconducteurs à plus de 100 °K. À ce jour, la plus haute température critique associée à un supraconducteur (obtenue en 1993) atteint 138 °K (-135°C). D’un point de vue théorique, la supraconductivité est un phénomène quantique collectif. C’est une des manifestations possibles, et perceptible à notre échelle, du comportement quantique de la matière. Dans les matériaux supraconducteurs classiques, les électrons se regroupent par paires (dites paires de Cooper), en interagissant avec les atomes présents autour d’eux. Ils forment alors une vague collective. Cette vague électronique se propage comme une onde, sans subir de collision avec les défauts présents dans la matière, ce qui permet de conduire du courant électrique sans perte d’énergie. Ce phénomène ne peut se produire qu’à basse température lorsque les atomes du matériau ne vibrent pas trop.

La compréhension et la maîtrise des principes de la supraconductivité sont à l’origine de nombreuses applications. L’absence de résistance du matériau supraconducteur d’une bobine électrique permet en particulier de générer des champs magnétiques très intenses (plusieurs teslas). L’IRM, qui a révolutionné le diagnostic médical et la compréhension du cerveau, nécessite des champs magnétiques intenses qui peuvent être obtenus grâce à la maîtrise de ce phénomène. Les transports, les télécommunications, l’électronique, l’informatique peuvent également exploiter ses propriétés. En outre, sans supraconducteurs, les très grands instruments de recherche tels que l’accélérateur de particules LHC aujourd’hui, ou Iter demain, ne pourraient voir le jour. Si les mécanismes à l’origine de la supraconductivité dans la majorité des matériaux, dits supraconducteurs conventionnels, sont élucidés depuis longtemps et bien compris, ce n’est pas le cas des supraconducteurs à haute température. Il s’agit d’un des principaux sujets de recherche actifs dans le domaine de la supraconductivité qui oblige les physiciens à élaborer de nouveaux matériaux et à inventer différentes façons de mesurer leurs propriétés ainsi que de nouveaux concepts pour les décrire. En synthétisant de nouveaux échantillons supraconducteurs, les chercheurs espèrent percer les derniers mystères de la supraconductivité afin d’arriver à l’obtention du même phénomène à température ambiante, ce qui ouvrirait de nouveaux champs d’applications.

FIN

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