Le grand indicateur, un oiseau mutualiste.

Greater_Honeyguide,_Gambia

Parmi toutes les relations entre les humains et les animaux sauvages, peu sont aussi réconfortantes que celles qui existent entre les chasseurs de miel africains et un oiseau de la taille d’un étourneau surnommé le grand indicateur. Voletant et appelant, l’oiseau conduit les hommes à la ruche afin de se délecter des restes de ruche laissés après le passage des chasseurs. Une étude a prouvé que cette relation mutualiste est encore plus intime qu’on ne le pensait, car cet oiseau est capable de reconnaître et de répondre à des appels spécifiques de son partenaire humain. Ce travail d’une équipe de biologistes est la première preuve évidente que le grand indicateur répond à des signaux bien précis et qu’il associe ces signaux à des bénéfices potentiels. Lorsque les chasseurs Yao du Mozambic sont guidés par l’oiseau, le taux de réussite grimpe à 75%. Les Yao appellent l’oiseau d’un cri particulier. Au cours de l’expérience, l’équipe testa l’effet de 3 sons différents et consigna les réponses. En réponse de l’appel adéquat, les oiseaux guidèrent 66% du temps, et de façon fructueuse à 81%. La réponse aux 2 autres cris fut faible, et bien moins fructueuse. Ce résultat est logique du point de vue de l’évolution: en réservant ses efforts aux appels d’un humain volontaire, les oiseaux ont plus de chances de conclure avec la récompense d’un goûteux plat de cire d’abeille. Ce qui suscite aussi la curiosité des scientifiques, c’est de savoir comment les jeunes apprennent à reconnaître les appels des chasseurs, sachant que le grand indicateur partage une particularité avec celle du coucou: leurs oeufs sont déposés dans le nid d’autres espèces. Ce qui signifie que les jeunes n’ont pas l’opportunité d’apprendre de leurs parents biologiques. Il semblerait qu’il ne reste plus beaucoup de temps pour résoudre cette énigme parmi bien d’autres, car les modes de vie ancestraux disparaissent: les connexions historiques entre les humains et les animaux sauvages s’altèrent à une vitesse pour le moins inquiétante.

 

L’alimentation du Grand Indicateur se compose en grande partie d’abeilles (adultes et couvain), de vers de cire, et de cire d’abeille. C’est d’ailleurs un des seuls oiseaux capable de digérer la cire. Comme les autres Indicateurs, il attaque les colonies tôt le matin quand les abeilles sont engourdies mais se nourrit aussi de ruches abandonnées et de restes de colonies pillées par les humains ou par de gros animaux comme le Ratel. Les indicateurs ne construisent pas de nid : tous pratiquent le parasitisme de couvée, qui consiste pour la femelle à pondre dans le nid d’une autre espèce afin que celle-ci assure la couvaison de l’œuf puis l’alimentation du jeune individu (comme le coucou gris en Europe). L’aire de répartition de la famille des indicatoridés s’étend sur la zone éthiopienne (Afrique subsaharienne) et la zone orientale (Asie du Sud-Est). Les indicatoridés vivent dans les forêts et les zones arborées, les galeries forestières et les zones semi-désertiques, depuis les plaines jusqu’à la limite supérieure des arbres. Leur distribution géographique et leurs habitats se superposent parfaitement à ceux de leur associé, le ratel. Leur curieux nom d' »indicateur » (« Honeyguide » en anglais) est en relation avec le fait qu’ils « indiquent », par un chant particulier, au ratel (animal africain de la famille des mustélidés) l’emplacement des ruches sauvages. Une fois arrivés tous deux à la ruche, le ratel ouvrira celle-ci de ses griffes pour y manger essentiellement le miel tandis que l’indicateur se nourrira de la cire et des larves ainsi mises au jour : un cas remarquable de mutualisme qui s’étend même à l’homme, que l’indicateur a coutume également de guider vers les nids d’abeilles. L’indicateur procède comme suit : une fois qu’il a repéré une ruche sur son territoire (peut-être en suivant les mouvements des abeilles), il part à la recherche visuelle d’un associé potentiel (ratel ou Homme…) tout en lançant son chant spécifique et répétitif, assez lancinant à la longue. On ne lui connaît pas d’autres associés : peut-être également certains viverridés arboricoles, telle la nandinie, une genette à la fourrure suffisamment dense pour résister aux piqûres d’abeilles. Souvent c’est l’associé mammifère qui, ayant repéré le chant de l’oiseau à 100 ou 200 m, ira à lui. Une fois la rencontre établie, l’oiseau se met à voleter devant son partenaire temporaire, près du sol, de branche en branche tout en continuant de chanter mais en plus, cette fois, il lui offre un signal visuel lui permettant de le suivre aisément : les taches blanches spécifiques de ses rectrices externes qui se déploient à chaque envol.

 

En savane ou dans les steppes, les nids d’abeilles sont situés près du sol. Le ratel, de ses longues et puissantes griffes (4 cm de long), ouvrira la ruche mettant à jour les gâteaux de miel mais aussi les couvains contenant les larves recouvertes de cire. Son poil dense et sa peau épaisse le protègent des piqûres d’abeilles comme des morsures de serpents dont il est également friand. Après avoir mangé la majeure partie du miel, le ratel quittera les lieux, laissant la place à l’indicateur qui picorera alors la cire et les larves, seule activité que lui permettent sa taille modeste et son bec court. Si la ruche sauvage est située en hauteur sur un arbre (généralement dans une cavité du tronc), le ratel, toujours guidé par l’oiseau, n’hésitera pas à y grimper pour y déloger, de quelques coups de pattes, le contenu de la ruche qui choira au sol. L’homme, quant à lui, délogera préalablement les abeilles par de la fumée et, si nécessaire, ira jusqu’à abattre l’arbre contenant la ruche. 

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