Les insectes sont une arme efficace et naturelle contre les parasites, mais comment les utiliser à bon escient? C’est une guerre plus que millénaire. Depuis que l’homme cultive des plantes pour se nourrir, des bêtes s’installent dans les plantations. Avec les pesticides chimiques l’homme croyait avoir gagné la partie contre les ravageurs de culture, mais ces produits chimiques se sont révélé nocifs pour l’homme et pour l’environnement. Il existe pourtant une autre arme contre ces insectes, naturelle et non polluante: c’est la lutte biologique ou bioprotection. Les hommes envoient dans leurs champs de petits soldats pour protéger leurs récoltes, un insecticide vivant. L’idée est belle mais complexe dans son application. Il n’est pas si simple d’utiliser des êtres vivant pour combattre d’autres êtres vivants. Mais partout dans le monde, des scientifiques et des agriculteurs sont persuadés qu’il est possible, grâce à la lutte biologique, d’inventer une agriculture saine et durable.
La lutte biologique est un outil puissant de protection des cultures. Et elle l’a déjà prouvé dans le passé. Au Nigeria les cultures de manioc furent dévastées par une cochenille inconnue qui se propagea dans toute l’Afrique de l’Ouest. La situation alimentaire se détériora rapidement. La pulvérisation fut tentée, en vain: elle est recouverte d’une sorte de cire qui la protège. Une équipe de chercheurs décida alors de chercher et trouva une guêpe qui tue cette cochenille. Des milliers de guêpes furent élevées puis lâchées dans les champs pour décimer le ravageur. Ce fut un succès total, 35 ans après elles sont toujours là. Les instances de l’ONU ont estimé qu’avec ce programme plus de 20 millions de personnes ont échappé à la famine. Le contrôle biologique est une des meilleures façons de lutter contre les insectes ravageurs. Protéger les champs, les vergers, en se servant de ce que la nature offre. Sélectionner, élever et relâcher des petits êtres vivant pour combattre les dévoreurs de récolte et les plantes invasives. Ne pas polluer la terre, ni l’air, ni l’eau en ajoutant des produits de synthèse chimique. La lutte biologique porte en elle une forme d’harmonie entre l’homme et la terre qui le nourrit.
L’homme du 21e siècle n’a pourtant rien inventé: un texte vieux de plus de 2000 ans témoigne que les Chinois pratiquaient déjà la lutte naturelle en élevant des fourmis pour protéger les mandariniers. À la fin du 19e siècle, l’entomologiste Charles Riley fut un des pionniers dans ce domaine: il eut l’idée d’importer d’Australie une coccinelle afin de décimer la cochenille qui ravageait les orangeraies de Californie. L’utilisation des insectes bénéfiques se répand alors dans le monde. Puis tout s’arrête. Dès les années 40, les pesticides envahissent les champs. Simples à utiliser et d’une grande efficacité, ils font table rase du raffinement biologique. Ce modèle prend racine. Ce n’est que dans les années 60 que les recherches reprennent doucement. Discrètes et plutôt ignorées du grand public, elles sont 230 espèces à travailler chaque jour pour l’homme. La lutte biologique doit se développer dans le futur, car la lutte chimique semble à bout de souffle. L’extension des terres cultivées fabrique de nouveaux prédateurs de récoltes. Les espèces qui se nourrissaient de plantes sauvages s’adaptent aux plantations et y prolifère. Les scientifiques essayent de comprendre les mécanismes d’adaptation: on ne naît pas ravageur, on le devient. Leur conclusion est étonnante: il est extrêmement difficile pour un insecte de s’adapter aux cultures humaines. Sur 150 espèces de chenilles foreuses d’herbacé en Afrique, seuls 4%s sont des ravageurs de plantes céréalière.
L’invraisemblable chassé-croisé d’espèces vivantes transportées au gré de l’économie mondiale est en partie responsable. Chaque année une trentaine d’espèces exotiques introduite fortuitement en Europe Réussissent à s’installer durablement. On estime qu’entre une à trois de ces espèces animale et végétale menaceront à terme les cultures et la biodiversité. Dans la valse mondiale des espèces, on est toujours l’exotique de quelqu’un. Certaines espèces européennes provoquent des ravages dans d’autres parties du monde. Lorsque l’avoine douteuse est arrivé aux USA pendant les années 50, elle ne posait pas de problème. Puis l’espèce est devenue invasive, mais aussi un fléau car elle est toxique pour les vaches. Des recherches sont en cours pour trouver une solution écologique. Introduire une espèce exotique n’est pas anodin. Dans le passé la lutte biologique a connu quelques ratages. Dans les années 80, une coccinelle asiatique fut importée aux USA pour lutter contre les pucerons. Mais très vite, elle fut accusée de prendre la place de la coccinelle autochtone. Elle est passé d’insecte utile à nuisible. Ce qui va déconsidérer la méthode aux yeux du grand public. Mais il faut remarquer que sur 120 années de données scientifiques, 99%s des programmes de lutte biologique fut au mieux utile, au pire n’ont créé aucun dommage.
Actuellement, la bioprotection atteint un niveau d’efficacité sans précédent. Et elle a encore d’autres armes dans sa poche, des auxiliaires bien plus petits que des insectes: des bactéries, des virus, des champignons. Ce sont les biopesticides. Ils tuent les ravageurs en leur inoculant des maladies. Malheureusement, la lutte biologique se trouve confrontée au même problème que la lutte chimique: des résistances apparaissent. Depuis 1985, des biopesticides à base de bactéries appelées BT (Bacillus thuringiensis) et très utilisées rencontrent des déboires. Les insectes sont des champions dans l’art de la survie. L’état actuel de l’agriculture nécessite un changement de paradigme, l’agriculture doit être plus proche de la nature. En Inde, devant les problèmes posés par l’utilisation des pesticides, plusieurs états ont changé de cap. Dans l’état de Telangana, un tiers des surfaces cultivées ne sont désormais plus traitées avec des produits chimiques. C’est un agrosystème qui combine différentes cultures, avec des haies, des bosquets, des prairies, c’est un réservoir d’espèces vivantes qui lui procure protection et robustesse. L’équilibre est fragile et demande une grande vigilance. La réussite de ce système repose sur le progrès des connaissances.
Ce qui fonctionne en Inde peut s’appliquer partout. Plus de 75% des exploitations agricoles dans le monde ressemble aux exploitations indiennes: familiale et à petite surface. Les produits chimiques devraient être utilisé en dernier recours. La lutte biologique nous parle d’un monde aussi beau que la vie elle-même et don nous avons besoin maintenant. Seuls 5% des terres agricoles dans le monde bénéficie d’une forme de bioprotection. Les insectes nous montrent la voie, qu’attendons-nous?